Apologie d’un réel totem féminin, objet de vénération. Astrid Schilling. L’événement, 11 mars 1999


 
 
Apologie d’un réel totem féminin, objet de vénération.
 
« La mesure de l’amour est d’aimer sans mesure » veut faire croire le poète au genre humain, mais toute personne censée reconnaîtra que pour les hommes, elle s’évalue en capacité bien définie, celle de la taille de son pénis. Quant aux femmes, « aimer sur mesure » se définit par le nombre de fois où l’homme l’aura honorée. Pour autant, la chose est excessivement romantique car le pénis reste un objet culte, totem constant de vénération de celles qui affirment haut et fort leur féminité et ne baissent les yeux devant le mâle que pour mieux admirer ce qu’elles n’ont pas et rêvent de posséder. Freud ne parlait-il pas d’une « envie de pénis » chez la petite fille à l’égard des garçons ?
 
Une possession inspirée car, plutôt que de mettre à bas le sexe tant convoité, elles tentent de l’élever pour l’insinuer au plus profond de leur désir. Toutes aiment le dieu Priape, espèrent son retour. Et, soudain, le voilà ! L’animal est farouche et se cabre aisément, le rêve féminin est inconstant, et les pulsions se bousculent dans la tête au galop. Pénis ravageur qui écarte toute conscience, balai de sorcier pour un voyage vers la déraison. Le nombre d’or, comprenez la taille de votre sexe, messieurs, est variable d’un homme à l’autre : combien de fois le pénis entre-t-il dans une bouche, dans deux mains, file entre des fesses. Il faut bien accorder quelque poids à l’intrépide. Le poids du nombre d’or : centimètres chéris qui coulissent si bien entre le vide et le plein d’un couloir de femme. Va-et-vient du vivant qui fait pousser des soupirs à réveiller les âmes. Le pénis est tout cela : pouvoir, magie, plaisir. On peut pardonner à une femme d’être sans cervelle, mais pas de ne pas aimer la queue. La joie d’approcher un pénis est simple et naturelle, comme celle d’entrevoir un rai de lumière traverser les jeunes feuilles d’un tilleul. Attitude gourmande et enfantine : « Je te mangerai, tellement je t’aime. » Je t’aime et t’absorbe et ne te laisserai que lorsque toi aussi, tu auras tout ton content. Jouis, belle queue, répands ta tendresse dans ma chaleur, sens combien je te protège et te désire encore lorsque tu t’abandonnes. Souple comme un roseau, ronde comme une vague, tu me parles encore. Fais-moi l’amour, dieu Pénis, aime-moi toujours, rejette-moi pour mieux me reprendre. Cette attente de toi mets mes nerfs à rude épreuve. Laisse-moi à présent me mesurer à toi. Combien fais-tu ? Tant que cela ? Je te défie : si tu parviens à toucher mon sexe, arriveras-tu jusqu’à mon cœur ?
 
Avec le pénis, la chair atteint le sommet : celui de la sensibilité à fleur de peau. Quelques replis, messieurs, protègent votre tête conquérante avec la perfection d’un origami sacrifié. Ou telle queue se dresse sans plier sous le vent, parée seule de sa raideur effrontée. O, vous les hommes, que vous êtes forts et faibles à la fois lorsque vous dévoilez vos trésors. Dans un même chenal, vous possédez l’or et l’eau claire, n’avez-vous jamais pensé que vous êtes des chercheurs de pépites et que toute les femmes adorent les aventuriers. Ne rougissez pas : votre gland est une cerise, une pommette, une joue à fossette que l’on a envie d’embrasser. Plus de six cents noms existent pour nommer la chose, votre sexe, votre fierté, la nôtre aussi de la connaître et d’en faire notre esclave. Une femme ne pourrait en assouvir tant en une seule vie. De quelle race êtes-vous ? Culbuteur ? Pourfendeur ? Godilleur ? Consolateur ? Ou simplement un va-du-gland qui trouvera plaisir à baiser Jeannette dans sa chambrette ? Votre pénis est-il le reflet de vos âmes ? Est-il trapu, élégant, paresseux, enflammé, ou encore rêveur…
 
Combien de fois le pénis entre-t-il dans une bouche, dans des mains, passe entre des cuisses ? Autant de fois qu’il le faut, autant de fois qu’on le souhaite, le nombre est d’or et la perfection, délicieuse.
 
Et la mesure de l’amour d’apporter une surprise de taille : car votre pénis est bien le seul instrument permettant de mesurer une femme… de l’intérieur. 
 
Astrid Schilling
 
L’événement, 11 mars 1999, page 77


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