Consommateurs à consommer (extrait). Paul Ariès. Casseurs de pub, dossier 2004


 
[Dans un passage d’un long article sur la pub, Paul Ariès, après avoir longuement analysé la pub dépréciatrice de la femme, en envisage les nouveaux contenus misandres. C’est un point de vue intéressant, venant d’un spécialiste du problème et d’un militant (auteur du « Petit manuel antipub »). Ariès reste cependant « politiquement correct ». La pub Charal qu’il décrypte est effectivement sexiste, mais essentiellement misandre : l’homme est un cannibale, la femme est sa victime… comme d’habitude. C’est même grossièrement évident.]
 

 

Consommateurs à consommer (extrait).

 

(…)

La pub enferme ensuite les femmes dans un autre piège puisqu’elle impose aussi des images dévalorisantes des hommes afin de contraindre les femmes réelles à chercher une satisfaction ailleurs que dans la rencontre. Il faut salir la sexualité et l’homme dans l’inconscient féminin. La consommation a besoin de cette souffrance haineuse : il faut apprendre à se méfier des autres. L’autre doit être un obstacle pour que je cherche dans la consommation une compensation à ma mal-vie. Le porno-chic de la pub n’est qu’une caricature de ce mécanisme.

(…)

L’exploitation du corps dénudé de l’homme n’est donc pas une victoire du féminisme (un gage de parité donné par les publicitaires aux femmes) mais le symptôme que les hommes (mâles) sont en train de devenir d’aussi bons consommateurs que les femmes. La société de consommation ne parviendra totalement à faire de l’enfant un consommateur comme les autres (mieux que les autres en raison de son immaturité) que le jour où les résistances culturelles céderont et où la pub pourra enfin explorer le corps de l’enfant comme elle exploite celui de ses parents.

 

La Femme-Objet a le triste privilège de l’antériorité mais elle annonce l’Homme-Objet et l’Enfant-Objet.

(…)

Pub Charal : la chambre à coucher d’un couple la nuit. On entend un cri de douleur, une femme bondit du lit en robe de nuit blanche et se frotte la fesse. Elle se regarde dans le miroir et dit : « Il m’a mordu ! » ; « tu m’as mordue, mais pourquoi tu m’as mordue ? ». L’homme reste au lit penaud. Une phrase apparaît sur l’écran : « Depuis combien de temps n’avez-vous pa s donné de viande à votre mari ? ». On voit alors un gros morceau de viande en train de cuire sur un barbecue. Une voix off poursuit : « Charal, la viande devrait être toujours aussi bonne que ça ». Les femmes ne seraient donc qu’un morceau de viande à consommer ? La pub n’est pas seulement sexiste mais cannibalique.

 

Paul Ariès. Casseurs de pub, dossier 2004, p. 24

 


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