L’absent. Paul Géraldy
L’absent
Père, c’est moi ! M’entendez-vous ? Où êtes-vous ? Vous étiez là.
J’allais vous toucher. Un remous de mon rêve ou de mon délire a tout emporté, tout dissous...
Reviendrez-vous ? J’ai tant de choses à vous dire !
Il y a si longtemps que sans voix, sans sourire, sans regard, et toujours prompt à vous effacer, vous n’aviez, forme triste, émergé du passé et déserté votre royaume pour apparaître à votre enfant,
mon cher fantôme !
Mais là, cette lueur encore ? Ne partez pas !
Qui sont ces gens sans nom à qui vous parlez bas ?
Laissez ces gens ! Venez ! Je vous appelle ! ... Père !
Pourquoi vous taisez-vous et vous détournez-vous ?
C’est vous enfin ? C’est vous bienfaisant et sévère, c’est vous secret et tendre, inexorable et doux.
Venez ! Il me souvient ainsi de vieux dimanches.
Tout vous prenait à moi. Vos amis s’attardaient.
Votre enfant énervé vous prenait par la manche.
Vous lui disiez : « Attends ! Je parle. » J’attendais.
Il faut venir. Venez ! Je ne peux plus attendre.
Il est déjà si tard ! Il y a si longtemps !
Je vous cherche à tâtons sous un passé de cendres et vous tire vers moi d’un abîme de temps.
Je vous conduis à la maison. Vous verrez Mère.
Il reste un peu de jour. Hâtons-nous ! C’est ici.
Elle n’est plus très vive. Elle n’entend plus guère.
Mère, je le ramène ! Il revient ! Le voici ! ...
Elle ne répond pas. A peine nous voit-elle.
Elle ne paraît pas très surprise... Maman !
Tant d’agitations, de gens, d’évènements, avaient de vous à nous mis des distances telles
Et fait la nuit si noire où vous vous reculiez, qu’occupés, vivants, infidèles, nous vous avions presque oublié.
Mais nous touchons vos mains. Vous caressez nos têtes.
Revoici le jardin d’enfance et ses gazons.
Mère est heureuse et rit. Il fait soleil. Vous êtes le bon maître de la maison.
Voyez ce que j’ai fait. J’ai tâché d’être digne de vous, de votre nom. J’ai travaillé beaucoup.
J’ai relevé ces murs et replanté ces vignes. Le bois de la Taillée à présent est à nous.
Ai-je bien fait ? Tout est-il bien ? Approuvez-vous ?
Celle-ci, c’est la femme attentive, fidèle qui m’a donné la fille et les fils que voici.
Ai-je bien choisi, Père ? Etes-vous content d’elle ?
Mes tâches et mes jours, les ai-je réussis ?
M’aimez-vous, aujourd’hui que j’ai votre âge ? Dites ! ...
Pourquoi vos yeux sont-ils si vagues et si flous ?
Comme vous vous taisez ! Comme la nuit vient vite !
Comme vous êtes pâle ! Où vous enfoncez-vous ?
C’est vous, si loin déjà, cette forme incertaine ?
Je veux courir. Je ne peux pas. J’avance à peine.
Je m’obstine, retombe et m’épuise vers vous...
Père, est-ce vous ? Où êtes-vous ? Et qui m’appelle ?
Quelle main pèse à mon épaule et me retient ?
Que me veut cette main ? Pourquoi s’acharne-t-elle ?
Ah ! C’est l’heure ? Merci. Je me lève. Je viens.
J’allais vous toucher. Un remous de mon rêve ou de mon délire a tout emporté, tout dissous...
Reviendrez-vous ? J’ai tant de choses à vous dire !
Il y a si longtemps que sans voix, sans sourire, sans regard, et toujours prompt à vous effacer, vous n’aviez, forme triste, émergé du passé et déserté votre royaume pour apparaître à votre enfant,
mon cher fantôme !
Mais là, cette lueur encore ? Ne partez pas !
Qui sont ces gens sans nom à qui vous parlez bas ?
Laissez ces gens ! Venez ! Je vous appelle ! ... Père !
Pourquoi vous taisez-vous et vous détournez-vous ?
C’est vous enfin ? C’est vous bienfaisant et sévère, c’est vous secret et tendre, inexorable et doux.
Venez ! Il me souvient ainsi de vieux dimanches.
Tout vous prenait à moi. Vos amis s’attardaient.
Votre enfant énervé vous prenait par la manche.
Vous lui disiez : « Attends ! Je parle. » J’attendais.
Il faut venir. Venez ! Je ne peux plus attendre.
Il est déjà si tard ! Il y a si longtemps !
Je vous cherche à tâtons sous un passé de cendres et vous tire vers moi d’un abîme de temps.
Je vous conduis à la maison. Vous verrez Mère.
Il reste un peu de jour. Hâtons-nous ! C’est ici.
Elle n’est plus très vive. Elle n’entend plus guère.
Mère, je le ramène ! Il revient ! Le voici ! ...
Elle ne répond pas. A peine nous voit-elle.
Elle ne paraît pas très surprise... Maman !
Tant d’agitations, de gens, d’évènements, avaient de vous à nous mis des distances telles
Et fait la nuit si noire où vous vous reculiez, qu’occupés, vivants, infidèles, nous vous avions presque oublié.
Mais nous touchons vos mains. Vous caressez nos têtes.
Revoici le jardin d’enfance et ses gazons.
Mère est heureuse et rit. Il fait soleil. Vous êtes le bon maître de la maison.
Voyez ce que j’ai fait. J’ai tâché d’être digne de vous, de votre nom. J’ai travaillé beaucoup.
J’ai relevé ces murs et replanté ces vignes. Le bois de la Taillée à présent est à nous.
Ai-je bien fait ? Tout est-il bien ? Approuvez-vous ?
Celle-ci, c’est la femme attentive, fidèle qui m’a donné la fille et les fils que voici.
Ai-je bien choisi, Père ? Etes-vous content d’elle ?
Mes tâches et mes jours, les ai-je réussis ?
M’aimez-vous, aujourd’hui que j’ai votre âge ? Dites ! ...
Pourquoi vos yeux sont-ils si vagues et si flous ?
Comme vous vous taisez ! Comme la nuit vient vite !
Comme vous êtes pâle ! Où vous enfoncez-vous ?
C’est vous, si loin déjà, cette forme incertaine ?
Je veux courir. Je ne peux pas. J’avance à peine.
Je m’obstine, retombe et m’épuise vers vous...
Père, est-ce vous ? Où êtes-vous ? Et qui m’appelle ?
Quelle main pèse à mon épaule et me retient ?
Que me veut cette main ? Pourquoi s’acharne-t-elle ?
Ah ! C’est l’heure ? Merci. Je me lève. Je viens.
Paul Géraldy
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