Camille Froidevaux-Metterie, l’antisexiste sexiste


 

Camille Froidevaux-Metterie (1968-), l’antisexiste sexiste

Cette philosophe/sociologue/auteure s’inscrit dans la lignée de Pauline Harmange et de quelques autres, à savoir des idéologues misandres qui, désormais, ne se cachent plus derrière leur présumé féminisme, mais revendiquent pleinement leur misandrie, comme un positionnement légitime. Elle a fait son "coming out" dans l’article du Monde ci-après. On notera : 

- une bonne dose d’ignorance : elle situe l’émergence de la misandrie en 1970, voire au 19e siècle, alors que nous avons démontré qu’il en existe des expressions fortes dès le 15e.

- une contradiction absolue : elle professe le sexisme anti-hommes, tout en se défendant d’être sexiste ("Il ne vise pas les individus mâles individuellement"). Allez comprendre.

- des propos extravagants : la misandrie est une "proposition positive", "elle produit quelque chose de joyeux" / elle a fait "le choix de ne lire quasiment que des autrices" / elle vante un roman "où les femmes ont soudain le pouvoir psychique de faire imploser le pénis des hommes"

C’est nous qui colorons certains passages en rouge.

 

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Camille Froidevaux-Metterie : "On peut être misandre et vouloir impliquer les hommes dans les luttes féministes"

Que ce soit dans des manifestations ou dans les textes de Chloé Delaume, de Pauline Harmange et d’Alice Coffin, la misandrie est de plus en plus revendiquée par des féministes. Une aversion à l’égard des hommes qui illustre la polarisation des idées, mais peut servir de moteur dans la lutte contre le patriarcat, selon la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, directrice de l’ouvrage collectif Théories féministes, à paraître en septembre au Seuil.

Comment définiriez-vous la misandrie ?

Je crois que, quand on est féministe, on est nécessairement misandre. Ce sentiment renvoie à la détestation du patriarcat tel qu’il a été construit et perpétué par les hommes. Il ne vise pas les individus mâles individuellement, mais le système hiérarchique et oppressif qu’ils contribuent à nourrir. La misandrie permet de comprendre que le système patriarcal ne se reproduit pas tout seul, qu’il est défendu par des hommes qui ont intérêt à maintenir la logique de domination qui fonde leurs privilèges. En tant que féministes, nous ne cessons de révéler l’intensité des mécanismes patriarcaux et l’importance de la place qu’y tiennent les hommes. La misandrie est la conséquence de cette mise au jour quotidienne. Comment ne pas haïr cette condition d’infériorité dans laquelle on maintient les femmes et les personnes féminisées ? Et comment ne pas vouloir renverser cet ordre des choses ?

Comment la misandrie est-elle née en tant que concept ?

Si elle existait sans doute dès les prémices du féminisme, au XIXsiècle, c’est dans les années 1970 qu’elle apparaît comme une notion assumée et revendiquée. Elle permet de nommer ce que les féministes ont en commun par-delà leurs divergences : la colère vis-à-vis du patriarcat et la
détestation de ceux qui le soutiennent. Mais ce n’est pas seulement un sentiment négatif, c’est aussi une énergie qui donne tout son élan aux luttes et qui porte certaines pratiques, comme les cercles de conscientisation, qu’on appelle aujourd’hui des « groupes de parole en non-mixité ». Et puis, la misandrie s’incarne aussi comme un projet dans le lesbianisme politique qui propose de vivre sans les hommes au sein de communautés séparées, comme celles qui naissent alors en Californie, des enclaves où s’expérimente une vie débarrassée des logiques patriarcales.

La misandrie est souvent utilisée pour disqualifier, comme lorsque Raphaël Enthoven déclare, en 2022, sur Europe 1, que « le féminisme en France est tellement misandre qu’il sert les intérêts du machisme »…

Cet argument s’inscrit dans la longue histoire des disqualifications adressées aux féministes, que les hommes ont toujours rejetées comme étant des sorcières, des hystériques, des folles. Les masculinistes d’aujourd’hui, qui considèrent le féminisme comme une menace, rejettent les femmes du côté de la déraison et des émotions pour mieux les ramener là où elles doivent rester selon eux, à leur place d’objets disponibles et appropriables.

Certains vont jusqu’à parler de « second sexisme » dirigé envers les hommes, à l’instar du philosophe et universitaire sud-africain David Benatar. Pour vous, la misandrie peut-elle être comparée à la misogynie ?

La différence entre ces deux notions, c’est la violence. On peut citer la formule fameuse de la journaliste et autrice Benoîte Groult [1920-2016] : « Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours. » La misogynie est une force dirigée contre les femmes, qui vise à
les rabaisser, à les exploiter, à les violenter. Elle est inhérente au système patriarcal, c’est l’huile de son moteur, alors que la misandrie constitue une réponse à ce système, c’est la proposition positive d’un nouveau projet de société fondé sur l’égalité et la liberté de tous.

Depuis 2020, la misandrie prend une place importante dans le débat public. Cela fait notamment suite à la parution de l’essai de Pauline Harmange « Moi les hommes, je les déteste » (Seuil, 2020), vendu à 20 000 exemplaires en un an et traduit dans le monde entier. Quelles formes nouvelles la misandrie prend-elle d’aujourd’hui ?

Les féministes de la génération post-#MeToo montrent chaque jour comment les mécanismes patriarcaux agissent dans le fonctionnement le plus ordinaire et le plus intime de nos existences (charge mentale, discriminations au travail, sexualité insatisfaisante, violences sexistes…). La misandrie contemporaine se nourrit de ce flux permanent de révélations. Mais je pense aussi qu’elle produit quelque chose de joyeux en alimentant une volonté de communauté et de sororité. En cela, elle renverse le sentiment de honte inoculé aux filles dès la puberté, qui les fait se sentir toujours imparfaites et qui les isole.

 

La misandrie, comme émotion partagée, redonne du pouvoir aux femmes. On en voit de nombreuses manifestations, comme les projets des Babayagas, ces femmes qui inventent des espaces non mixtes pour vieillir ensemble, ou ces personnes qui, comme moi, font le choix de ne lire quasiment que des autrices, non pas par détestation des auteurs, mais pour rééquilibrer le balancier et en terminer avec l’invisibilisation des femmes qui créent. La misandrie se déploie aussi dans la fiction, comme dans le roman de Chloé Delaume, Phallers [Points, 2024], où les femmes ont soudain le pouvoir psychique de faire imploser le pénis des hommes pour qu’ils cessent de violer. La fiction permet ainsi d’exprimer notre misandrie sans faire de mal à personne.

Pour vous, ce débat autour de la misandrie dit-il quelque chose de la polarisation de notre société ?

Je crois qu’on peut être misandre et vouloir néanmoins impliquer les hommes dans les luttes féministes. Je pense même qu’un homme peut être misandre, c’est-à-dire refuser de jouer le jeu du patriarcat et travailler à essayer de se déconstruire. Partout dans les démocraties occidentales, les programmes conservateurs et antiféministes sont en pleine ascension. Pour éviter la silenciation, il faut absolument que nous acceptions que les hommes participent à nos combats. Mais ils doivent d’abord accepter, eux, de faire l’effort de comprendre en quoi ils sont responsables de la perpétuation du système patriarcal, pour ensuite œuvrer à faire advenir une société féministe. L’enjeu, aujourd’hui, c’est celui de l’auto-implication des hommes et de l’éducation des garçons aux questions féministes, mais qui en a la volonté ?

 

Propos recueillis par Célia Laborie. Le Monde, 25 mai 2025

 

https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2025/05/25/camille-froidevaux-metterie-on-peut-etre-misandre-et-vouloir-impliquer-les-hommes-dans-les-luttes-feministes_6608328_4497916.html



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