La masculinité retrouvée (extrait de "Oser être homme", 1988). John Lee


 

[John Lee, né en 1951, est un thérapeute américain qui a animé des groupes d’hommes dans la lignée de Robert Bly. Dans son livre Oser être homme, qui contient des passages magnifiques comme celui qui suit, il raconte sa pratique et ses découvertes.]

  

2. La masculinité retrouvée

 

Les métaphores peuvent nous sembler archaïques mais projettent néanmoins de puissantes images. Bien comprise et utilisée à bon escient, la symbolique du glaive et du bouclier nous fait saisir la vraie masculinité, chez l’homme comme chez la femme.

 

Simplement,la vraie masculinité consiste à savoir quand et comment lever l’épée et s ‘en servir, puis la remettre au fourreau. Quand, lorsque nous sommes face à l’adversaire, lever notre bouclier plutôt que notre épée.

 

Lever l’épée et dire

 

« Arrêtez ! Ne frappez plus cet enfant . Ne dépassez pas la ligne que j’ai tracée sur le sable, sur le plancher, sur mon corps, sur mon âme. Ne m’insultez pas, ne me poussez pas à bout . Terminé ! »

 

Rompre lorsque la relation est morte. Trancher ce cordon ombilical qui s’étend de la Floride à la Californie. Couper les ponts avec les amis qui ne peuvent accompagner de leur soutien notre guérison. Ne plus se raconter d’histoires à dormir debout.

 

Rengainer silencieusement l’épée lorsqu’on nous présente de sincères excuses. Lorsque notre partenaire fait tout en son pouvoir pour se libérer de sa codépendance ou de quelque accoutumance malsaine.

 

Les hommes et les femmes intimes avec leur polarité masculine savent utiliser leur bouclier lorsque leur âme fait l’objet de critiques négatives.

 

J’ai laissé pendant des années des personnes me souligner les erreurs que j’avais commises lors d’une conférence ou d’un atelier. J’écoutais et enregistrais leurs critiques, vulnérable et craintif, même si j’avais fait de mon mieux. Ces personnes personnifiaient le père critiqueur qui m’avait élevé. Un père qui oubliait tous les A de mon bulletin pour ne retenir que le B. Il existe toujours un tel type de parent dans chaque auditoire, prêt à me faire remarquer mes failles. Des coups de langue qui valaient des coups de lance et j’étais transpercé, en morceaux, démoli pour la journée.

 

Enfin, je trouvai mon bouclier et le plaçai près de moi. Maintenant, lorsque quelqu’un s’approche et menace de me sabrer :

 

- J’ai aimé votre conférence, votre livre, votre atelier, MAIS…

 

Alors je lève mon bouclier et réponds :

 

- Je n’ai pas l’intention d’écouter vos critiques maintenant. Je suis encore tout ému et j’ai besoin de votre appui et de votre affection, ou de rien du tout.

 

Je fais ce geste lorsqu’une amie me place dans un rôle parental, lorsqu’un participant me transforme en père. Je baisse le bouclier dès que je me sens en sécurité.

 

Beaucoup d’hommes et de femmes ont remisé leur épée rouillée et leur bouclier, ne sachant pas leur utilité contre les blessures pas nécessaires. Leurs pères ne les ont pas pourvus de tels outils ni de la manière de s’en servir.

 

Les hommes qui repartent après nos rencontres oublient souvent d’emporter leur bouclier retrouvé. Ils expliquent enthousiasmés, à tout venant, comment le week-end s’est déroulé, ce qu’il a signifié pour eux, les émotions qu’ils y ont ressenties, le moment de guérison qu’ils ont connu. Il arrive que certaines personnes qui n’ont jamais assisté à de telles réunions se sentent menacées par ce genre d’expérience ; leurs peurs leur font dire : « C’est un retour aux mœurs primitives et à une sauvagerie débridée… » ou encore : « Je ne vois pas l’utilité de ces méthodes. C’est trop violent. Ca discrédite les femmes… » Absents à ces partages, ces gens ne peuvent pas saisir le vif de l’expérience. Sans bouclier pour repousser ces perfidies, un homme peut perdre le bénéfice de ce qu’il vient de vivre.

 

L’animus, l’âme masculine, sait quand manier l’épée et lever le bouclier aussi bien chez l’homme que chez la femme. L’archétype leur fait déplorer quand ils infligent de mauvais coups et leur fait sentir quand ils agissent de façon juste. Le guerrier en soi sait choisir le moment de se servir de ses moyens pour se construire, développer sa maturité, actualiser sa créativité et être là, présent à soi comme aux autres.

 

Oser être homme. John Lee. Stanké, 1996, pp.109-111 

 

 

 

 



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