"La violence féminine", Albin Michel + "Les violences conjugales", PUF. Liliane Daligand, 2016


 

Liliane Daligand. La violence féminine. Albin Michel, 2016

 

 

Jusqu’ici, nous considérions cette psychiatre, experte en Justice, présidente du centre d’hébergement VIFF Sos Femmes de Villeurbanne, comme une adversaire, et avions dénoncé à plusieurs reprises ses positions sexistes.

En 2006 elle avait publié Violence conjugales en guise d’amour, dans lequel elle n’hésitait pas à évaluer (sans sourcer) le taux des hommes victimes à 10 contre 90 femmes, et à écrire (p. 13) :

La violence qui s’exerce sur les hommes est surtout psychique. (...) Quelques-uns subissent des violences physiques : souvent, elles sont infligées par la famille de la femme (frère, soeur, père) qui organise les choses pour que l’homme soit éjecté de la communauté familiale. (...) Quoi qu’il en soit, les chiffres parlent d’eux-mêmes et l’on peut s’interroger sur le fait que la violence conjugale s’exerce presque exclusivement sur les femmes.

D’ailleurs, sur les 157 pages, 9 lignes seulement traitaient de la violence féminine.

Surtout nous avions relevé ce passage extravagant, qui affirme explicitement la non-participation de l’homme au processus procréatif (p. 118)

La violence faite à la femme est vraiment spécifique.(...) Par cette réduction, on fait l’impasse sur une différence essentielle qui est que, pour le moment encore, c’est la femme qui transmet la vie. Toute violence à l’égard de la femme est sexuée et exprime de la jalousie à l’égard du vivant  : il s’agit de détruire le corps de la femme, médiatrice du désir et de la mise en vie. 

C’est pourquoi nous avons été surpris de l’intitulé de son dernier livre, récemment sorti, à savoir La violence féminine. Nous l’avons parcouru, et constaté un changement spectaculaire de positionnement :

- (p. 26-28) elle reconnaît la violence conjugale contre les hommes comme un phénomène important, et renonce aux évaluations fantaisistes. Le sujet est évoqué un peu rapidement, il n’y a pas de profil de conjointe violente, mais elle cite Sos Hommes battus et Maxime Gaget. Par contre, un chapitre entier traite du meurtre conjugal au féminin. 

- le livre s’appuie sur une série de profils de femmes violentes, trouvés dans la littérature, dans l’histoire, ou, ce qui est beaucoup plus intéressant, dans son exercice professionnel : fausses victimes, adolescentes violentes, mères maltraitantes, incestueuses, infanticides, tueuses en série, etc. On peut regretter l’absence de certains profils (femmes violeuses, fausses accusatrices) mais c’est déjà beaucoup.

- chaque profil est soutenu par une analyse psychologique pointue, qui situe l’origne de la violence dans le contexte éducatif : "la violence n’est pas innée mais acquise dans l’enfance" (p. 207). Aucune explication de type misandre par la réaction à la "domination masculine" ou au "patriarcat". Sauf distraction, nous n’avons d’ailleurs trouvé aucune théorisation de type misandre. En particulier, elle reste focalisée sur son sujet, et ne tente aucune comparaison entre violences féminine et masculine. 

Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle évolution, et de l’arrivée de ce qu’il faut bien appeler un renfort. Toutes choses qui qui confortent notre motivation.

P. Guillot

Voir aussi : http://www.g-e-s.fr/base-de-documentation/references/notes-de-lecture/a-propos-du-livre-de-liliane-daligand-la-violence-feminine-bruno-decoret/

 

Liliane Daligand. Les violences conjugales. Puf, 2016

 

Cet ouvrage porte sur le même sujet que celui de 2006. Mais le parti-pris sexiste du premier ouvrage y est nettement corrigé, et l’information sur hommes victimes et femmes violentes apparaît de manière consistante.

Nous nous sommes donc réjouis de lire :

- dès l’introduction, la mention de l’existence d’hommes victimes, illustrée par la référence à l’enquête de victimation ONDRP 2012-13 ;

- chap. 2 (Les victimes), I, 2. Les hommes victimes, p. 28-32 : une sous-partie consacrée aux hommes victimes. Références à Suzanne Steinmetz, SOS Hommes battus, Maxime Gaget. "En somme, au regard de la société, la femme ne peut être que du côté des victimes et l’homme, du côté des violents" (p. 32)

- dans ce même chapitre, II. Les auteurs, p. 55-61, excellent développement sur "l’origine de la violence au masculin" : "dans l’enfance du sujet, dans l’échec de la structuration masculine", "cet échec, c’est celui du fils qui se révèle incapable d’entrer dans un processus d’identification imaginaire et symbolique avec son père" " En d’autres termes, l’homme auteur de violences est souvent uni par un lien pathologique à une mère qui garde pour elle seule son fils, son éternel enfant." Tout le passage revient en fait à une démonstration de l’impérieuse nécessité pour les jeunes garçons d’une présence paternelle forte.

- et p. 61, non moins excellente analyse de la psychologie des femmes auteurs :

Elle lutte dans son couple pour avoir la puissance habituellement reconnue à l’homme et elle peut alors adresser des mots de mépris à celui qui la déçoit par ses insuffisances. Toutefois, elle tient à garder sa place auprès de celui qui lui sert de référence, de repère, et auquel elle se mesure pour se rassurer. Jour après jour, cet homme lui est précieux, non pour le broyer mais pour maintenir toujours l’exigence de puissance que traduisent ses qualités culturelles, sexuelles...

La procréation, la capacité d’enfanter n’est pas pour elle un élément de puissance. L’enfant lui-même ne manifeste pas cette puissance de la mère ; il est plutôt vécu comme source d’obligations et de contraintes.

A l’inverse, nous déplorons un certain nombre de résidus sexistes, d’omissions, d’analyses inachevées :

- le premier chapitre "Etat des lieux" ne propose de manière explicite, que des données concernant les femmes, car "les études concernant les hommes sont encore trop rares" ! C’était encore vrai il y a peu, mais en 2015, ce n’est plus vrai ; et de toute façon, lorsqu’il y a rareté, c’est justement le devoir des chercheurs de la compenser en donnant de la visibilité aux données qui existent.... Il y a là une grosse lacune, qui laisse le lecteur dans l’ignorance (il s’agit pourtant d’un Que sais-je  ?).

- dans ce chapitre, l’ENVEFF est citée et ses résultats détaillés sur 3 pages (18-21), alors qu’il s’agit, de notoriété publique, d’une enquête fantaisiste. Il aurait été judicieux de présenter aussi les critiques dont elle a fait l’objet.

- le fait que les diverses institutions, lois, recherches dédiées à la lutte contre les violences concernent exclusivement "les femmes" est bien mentionné, sans pour autant qu’il soit désigné comme une discrimination en fonction du sexe, et donc sans que soit formulée une quelconque protestation. (par exemple les plans triennaux en France, p. 13-14)

- plusieurs témoignages de victimes sont intercalés dans le texte... lesquelles sont toutes féminines. Le seul témoignage masculin est celui d’un auteur.

- dans la bibliographie n’apparaissent pas les auteurs qui ont le plus fait pour la connaissance des hommes victimes, comme Sophie Torrent ou les hoministes (Patrick Guillot, Yvon Dallaire). Souci de "politiquement correct" ?

 



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