Analyse du texte : "Combien de fois quatre ans ?" (2008) / Patrick Guillot


 

 

Analyse du texte : Combien de fois quatre ans ? (2008)

 

Le texte se présente comme le récit d’un viol commis en juin 2000, écrit par la victime. Nous vous suggérons de le lire préalablement, dans sa version intégrale, et de préférence plusieurs fois :

https://infokiosques.net/spip.php?article631

Nous vous conseillons aussi de l’enregistrer, car il n’est pas exclu qu’il soit effacé et disparaisse du web.

A lire aussi la "réponse" du présumé violeur, publiée le 11 décembre 2013 :

http://cdf4amareponse.blogspot.fr/2013/12/ma-reponse-combien-de-fois-quatre-ans.html

L’auteure du texte signe Anonyme, et elle désigne son agresseur comme Le punk (en même temps qu’elle a révélé oralement la véritable identité). Nous les désignerons ainsi l’un et l’autre. Anonyme se présente comme une habituée de la mouvance "alternative - punk - squat", et elle présente Le Punk comme un musicien-graphiste, également habitué de cette mouvance. Sous forme numérique ou papier, le texte est diffusé dans la mouvance depuis 2008, et y fait débat : il a donc été lu par des milliers de personnes. 

Le texte est en trois parties : un premier récit écrit en juillet 2004, un second (des mêmes faits, à peu près identique) en mai 2008 (d’où le titre), et un épilogue. Nous n’en citerons que les passages qui permettent de cerner au mieux la réalité des faits.

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Combien de fois quatre ans ? Trois textes sur les viols et les violences sexistes dans le milieu alterno

(...)

juillet 2004

La première fois que j’ai couché avec un garçon j’avais dix-huit ans. C’était le début de l’été… Quand je dis coucher, je parle bien sûr de coït avec pénétration vaginale, moi en dessous, lui au dessus. Les câlins, les préliminaires, c’est des fioritures mais ce n’est pas considéré comme « l’acte sexuel ».
Je ne le connaissais pas, je l’ai rencontré parce qu’il jouait en concert sur Paris. Je l’ai dragué, lui ai fait comprendre qu’il me plaisait beaucoup physiquement, on a parlé d’anarchisme, de végétarisme, de bd (facile pour un punk végan). Je ne sais plus comment, on a fini par se faire des bisous, et puis on a été se coucher. C’était un peu chiant, on n’avait pas vraiment d’intimité, y avait des mecs qui continuaient de picole à côté et qui faisaient des réflexions de beaufs. Je lui ai donc proposé d’aller chez moi.
On y va. J’avais un peu la pression mais je le trouvais beau et marrant. Et puis chez moi, on s’est déshabillés, tripotés, je n’osais pas lui dire que j’avais un peu peur ; je voulais que la « première fois » se passe vite, sans chichi, parce que beaucoup de mecs tirent une gloire ou une fierté de dépuceler une fille. Et je ne voulais pas ça.
J’étais angoissée, et puis à cette époque je connaissais très mal mon corps, surtout mon vagin, j’étais incapable de me détendre.
Il met une capote. Elle était mal lubrifiée et ça me faisait mal avant même qu’il rentre. Je lui ai demandé d’enlever la capote, ça m’irritait trop. Il l’a fait.
On s’est frottés un peu, lui me serrait (j’étais écrasée sous lui), je ne savais pas trop quoi faire, je lui disais d’aller doucement, je gémissais pas mal, le repoussais mais l’embrassais. J’attendais que ça arrive. Mais quand j’ai senti que ça allait arriver, j’ai eu très peur, je ne voulais plus, j’aurais voulu qu’il s’arrête.
J’ai dit non, sans grande conviction, mais je l’ai dit. Pas très fort, mais plusieurs fois.
Et puis il m’a pénétrée, sans que je m’y attende, un peu comme quand un médecin fait une piqûre en disant « tu vas voir, tu vas rien sentir » ; j’ai eu assez mal. Je crois qu’il a joui pas très longtemps après.
Je crois qu’après on s’est endormis. J’étais soulagée, enfin dépucelée ! On s’est réveillés, j’aurais voulu qu’on discute, qu’on soit peut être potes
Il est parti après avoir mangé un yaourt, m’a dit un truc genre « salut c’était sympa, à la prochaine ». Je l’ai vu se barrer dans les escaliers, me laissant toute seule comme une conne, dégoûtée de me faire planter si vite…
J’ai été au toilettes pisser, j’avais trop mal, comme si j’avais eu des bleus autour du vagin. Je me suis sentie trop nulle et trop seule.
L’idée que j’avais été violée m’a traversé l’esprit, mais je me disais que ce genre de chose ne pouvais pas m’arriver, moi si forte et grande gueule et vigilante. Et puis lui était cool et anti sexiste et vegan, alors…
Alors j’ai appelé ma voisine qui a à peu près mon âge, en pleurant, en lui disant que j’avais fait une grosse connerie, qu’il fallait que je prenne la pilule du lendemain.
Elle m’a envoyé chez le docteur, qui a halluciné. Surtout quand il m’a demandé quel pouvait être les risques qu’il soit séropo ou qu’il ai des MST, et que je lui ai répondu que j’en savais rien, que c’était juste un punk que j’avais rencontré dans un squat.
Par refus de cette image qu’on veut coller aux filles, d’être sentimentales, dépendantes des mecs, etc je me suis construit un rôle suite à cette histoire, je me suis complue à raconter ma première fois comme un truc dont j’avais rien à foutre. « ouais ben ma première fois, elle était nulle mais de toute façons, y a que les cruches qui veulent coucher avec un mec dont elles sont amoureuses »
Aussi, j’ai jamais osé parlé de viol parce que je me sentais débile, débile parce qu’il était plus populaire que moi, débile parce que je l’avais relancé et après j’avais été squatter chez lui quelques jours pendant les vacances et qu’il m’avait à peine calculée, débile parce qu’il me plaisait.
Et puis je me disais que un viol c’est forcément très brutal, et ça se passe dans une rue sombre, par un inconnu,…
J’ai pensé : « si je raconte ce qu’il m’a fait , il se défendra en disant que je suis une pauvre fille, que je suis dégoûtée parce qu’il m’a jetée. » J’en sais rien… j’ai pensé longtemps que j’étais une pauvre fille.

(...)

J’ai l’impression que c’est tellement courant, tellement comme ça

(...).

Mai 2008

Il y a huit ans, j’avais 18 ans, j’ai rencontré un gars, chanteur d’un groupe anarchopunk en vogue, lors d’un de ses concerts.
Ce garçon, je l’ai dragué, je l’ai ramené chez moi, et je me suis mise au lit avec lui.
Oui j’avais envie, mais « je ne l’avais jamais fait », bref j’étais vierge et je lui ai dit. J’avais pas envie d’en faire un tout un plat, parce que je n’ai jamais cru dans une histoire de prince charmant, qui vient cueillir ma fleur, mais j’avais un peu peur que ça me fasse mal.
Bon, il met une capote, et je ne sais pas si elle était pas assez lubrifiée, ou si c’était moi, mais ça me faisait mal. Genre ça chauffait. Je lui dis de l’enlever. Ce qu’il a fait.
En y repensant, je me dis que je n’ai même pas osé dire : j’ai mal, on arrête ; j’avais mal mais je ne voulais pas me dégonfler, j’ai préféré me mettre en danger.
Finalement, il m’a pénétrée, sans la capote, alors que j’étais sous lui et que je lui disais « attend, attend, aïe, aïe ». Je ne sais plus si je lui ai dit non, mais j’étais assez paniquée, et ça m’a fait très mal quand il est entré.
Heureusement ça n’a pas duré très longtemps, il s’est très vite retiré, juste avant d’éjaculer.
Je crois qu’on a du s’endormir juste après, vu qu’on était bourrés.
Quand on s’est réveillés, la première chose à laquelle j’ai pensé c’est « je me suis faite violer ». Pensée que j’ai tout de suite chassée « mais non, comment peux tu penser ça ».
Il a bouffé un yaourt et il est parti, en me disant « à la prochaine ».
J’ai été aux toilettes, j’ai eu très mal en pissant. Je me sentais nulle, vraiment l’impression de m’être faite baiser. Littéralement.

(...)

Je ne sais plus trop à quel moment j’ai admis qu’il m’avait violée. Il y a 4 ans je crois… Quand j’ai commencé à militer avec des féministes, que je me suis plus posé la question de mes désirs, que j’ai mieux découvert mon corps, que j’ai appris à l’écouter, et plus à refouler.

 

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 Récapitulons : successivement, Anonyme

- a "dragué" Le Punk dans un concert

- a flirté avec lui sur place

- le lieu étant trop fréquenté, l’a invité chez elle

- s’est installée avec lui dans son lit, souhaitant que cette "première fois" se passe "vite, sans chichi" et attendant "que ça arrive"

 - la relation consommée, s’est sentie "soulagée", s’est endormie, puis a souhaité intérieurement que Le Punk reste avec elle pour échanger

- ultérieurement, s’est présentée chez lui pour "squatter" (L’a-t-elle fait ? Dans son texte, ce n’est pas clair. Selon Le Punk dans sa réponse il ne l’a pas accueillie. Ce qu’il faut retenir est qu’au minimum elle a demandé à un homme censé l’avoir violée de l’accueillir à son domicile.)

Où y a t-il eu viol dans tout cela ? Mystère... Au contraire, Anonyme apparaît, avec beaucoup de motivation, comme à l’initiative de tout ce qui s’est passé.

Certes elle a ressenti de la peur au moment où "ça allait arriver", laquelle l’aurait fait basculer dans le refus. Si c’est le cas, cela ne change rien En effet, à aucun moment elle n’a vraiment exprimé ce refus. Dans le deuxième texte, elle écrit ne plus savoir si elle a "dit non". Dans le premier elle écrit qu’elle a "dit non" mais "sans grande conviction" et "pas très fort" : à ce moment de la relation, un message aussi peu explicite, et en contradiction avec tout son comportement antérieur est de toute façon incompréhensible par son partenaire.

Ce récit, censé démontrer la réalité d’un viol, n’attribue au présumé violeur aucun comportement relevant de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise. A l’inverse et paradoxalement, il établit le consentement mutuel des partenaires, et l’absence de viol. En ce sens, il a un caractère exceptionnel. Exceptionnelle aussi est sa concordance avec le récit du présumé agresseur, comme l’écrit lui-même Le Punk :

je reconnais que le déroulement de la soirée et de notre rapport est plutôt honnêtement relaté

Ce qui explique qu’il ait cru au début pouvoir se disculper en faisant lire le texte même de son accusatrice :

Je pensais sincèrement que les gens pouvaient se faire leur idée en la lisant. Et c’est ce que je conseillais à tous les gens qui venaient me demander des informations ou qui voulaient entendre ma version des faits. « Lisez la brochure et dites-moi ce que vous en pensez »

Il s’agit d’une fausse accusation, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est peu et mal élaborée, malgré le soin mis à la relater par écrit.

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Et pourtant, elle fonctionne...

Appuyée sur le texte et relayée par les misandres qui sont en grand nombre dans la mouvance, la rumeur désignant Le Punk comme un "violeur" n’a fait qu’amplifier au fil des années, avec les conséquences qu’il décrit : suspicion généralisée, marginalisation, entraves profesionnelles, etc.

Il est piquant de constater que dans la contre-société "alternative", qui se veut un havre de vérité et de justice préservé des tares de la "société bourgeoise", la fausse accusation a très exactement les mêmes conséquences que dans cette dernière : le mis en cause est privé de présomption d’innocence, il est condamné par avance, et pour la vie.

D’ailleurs, Le Punk décrit très bien le processus :

Une fois de plus, je ne peux que constater l’hypocrisie d’une partie de la scène qui en privé m’assure de son soutien et de son amitié, mais qui n’ose affronter en public les invectives de certainEs, de peur de rejoindre le camp du bras armé du patriarcat.

Si je gueule et nie les accusations, c’est la parole de l’agresseur qui tente d’étouffer celle de la victime. C’est forcément odieux. Si je dis rien et que je laisse couler, j’ai vu que je devenais le bouc émissaire d’une lutte qui visiblement cherche des cibles. Lorsqu’on me raconte que des anarchistes lyonnais expliquent que dans cette situation, coupable ou pas, je dois me taire et disparaître parce que sinon ça reviendrait à mettre en cause la parole de la victime, et que c’est impossible dans une histoire de viol. Est-ce que les gens se rendent compte de ce que ça sous-entend ?

Le texte d’indymedia explique que je suis forcément un sexiste, je l’ai été, je le suis, je le resterai à vie. Déterminé, condamné à ne vivre qu’avec cette étiquette… Une poignée de personnes décident ainsi qui est coupable, qui doit être banni.

Je suis le symbole de l’agresseur du milieu, celui qui est protégé par ses amis, et au bout du compte, quoiqu’il se soit passé, ça n’a plus d’importance, plus je me débats plus je semble faire pour certains, malgré moi, la démonstration de la puissance sournoise du patriarcat.

Et aussi cette phrase, qui, en un raccourci saisissant, résume l’ensemble :

en tant que garçon, je suis forcément coupable.

On notera que les misandres "alternatives" n’ont aucun scrupule à détruire la réputation d’un homme censé défendre la même cause qu’elles. Car pour elles, il est avant tout un homme, et donc un ennemi. La lutte contre les hommes, la guerre des sexes, elles la mènent également au sein même de leur mouvance politique. Et elles la considèrent comme prioritaire par rapport à toutes les autres luttes.

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Que recherche Anonyme ? C’est une question infiniment complexe, pour laquelle il y a cependant des hypothèses.

Ce n’est pas un bénéfice financier. Elle n’a pas porté plainte, ce qui est coutumier dans la mouvance, qui refuse de confier ses conflits internes à la "justice bourgeoise".

Ce n’est pas une vengeance. Pour obtenir une vengeance, une plainte aurait été beaucoup plus efficace. De plus, Le Punk ne s’est pas engagé pour une relation durable, et elle ne peut lui en vouloir de s’être éloigné. En tout cas rationellement. Il est vrai qu’ Anonyme n’est pas un modèle de rationalité, et on ne peut exclure qu’elle veuille se venger d’un homme qui l’aurait réellement violée, par déplacement de l’accusation. Mais elle n’en donne aucun indice.

Sa motivation semble être plutôt au croisement d’une dimension pathologique et d’un conditionnement idéologique.

- dimension pathologique : Anonyme est manifestement en grand manque d’identié et de repères intérieurs. A plusieurs reprises, elle exprime sa préoccupation de trouver une identité, même factice, même stéréotypée, qui lui permette d’exister dans le regard des autres. En l’occurrence, c’est le stéréotype de la "femme libérée" qu’elle endosse, ce qui l’amène à frayer avec Le Punk, puis avec beaucoup d’autres hommes.

J’ai dragué plein de mecs mignons, couché avec, sans désir particulier à part celui d’être reconnue, de me forger un rôle, celui de la fille sûre d’elle même qui les emballe tous.

Dans pas mal de milieux, et aussi les milieux alternatifs et militants, il faut coucher pour pouvoir l’ouvrir, être reconnue, ou sinon, être suffisamment jolie pour être agréable à regarder (pas à écouter)

Elle affirme ensuite s’être trouvée, et n’avoir plus besoin du dit stéréotype. Mais son entêtement à de présenter comme la victime d’un pseudo-viol dément cette prétention. Elle a simplement changé de rôle, en adoptant celui de femme victime, sans doute plus gratifiant pour elle.

- conditionnement idéologique

Dans le premier texte, Anonyme écrit :

L’idée que j’avais été violée m’a traversé l’esprit

Le surgissement d’une telle "idée", en complète contradiction avec la réalité tout juste vécue, n’a aucune explication rationnelle.

Il ne peut s’agir que d’un automatisme, alimenté par une croyance : la sexualité pratiquée avec un homme, même si elle est consentie, pose automatiquement la question du viol. Car potentiellement, toute sexualité masculine est un viol, tous les hommes sont des violeurs. Et elle confirme qu’elle la partage quand elle écrit :

J’ai l’impression que c’est tellement courant, tellement comme ça

"tellement courant" : autrement dit, ils sont tellement tous pareils, tellement tous violeurs.

Or cette croyance est l’un des axiomes de l’idéologie misandre.

Dans le deuxième texte, elle écrit aussi, et encore une fois en dehors de toute rationalité :

Je ne sais plus trop à quel moment j’ai admis qu’il m’avait violée. Il y a 4 ans je crois… Quand j’ai commencé à militer avec des féministes

Ainsi, la relation de 2000, désirée, et décrite comme telle en 2004, devient en 2008... un viol, du fait qu’entre temps, Anonyme s’est entourée d’autres personnes qui, quoique non-témoins de l’événement, l’ont amenée à croire que c’est ce qu’il a été. Ces personnes, "féministes", sont en fait des pseudo-féministes misandres. L’entourage idéologique change, et donc l’interprétation de l’événement passé change.

Dans un premier temps, en 2000, déjà perméable à la culture misandre, Anonyme se pose la question du viol sans qu’il y ait de raison pour cela, mais ne s’y attarde pas. Dans un deuxième temps, à partir de 2004, elle se lie avec des misandres qui la convainquent qu’elle a bien été violée. On peut imaginer que c’est en lui renvoyant tout ce que ce statut a de valorisant à leurs yeux qu’elles y parviennent. Anonyme, toujours en quête d’identité, apprécie cette valorisation et endosse le statut. 

Combien de fois quatre ans ? nous offre une double démonstration :

- il existe des manipulateurs-trices capables d’amener une femme à proférer une accusation de viol, alors que rien, dans les éléments biographiques fournis par cette femme elle-même, ne vient étayer cette accusation.

- il existe au moins une femme (mais sans doute d’autres...) capable de proférer une accusation de viol, en s’appuyant sur un récit, fait par elle-même, qui en démontre l’inanité.

 

Patrick Guillot

Mis en ligne février 2014

 

 

 



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