Camille Paglia : une féministe qui défend les hommes. Bulletin d’Amérique, 12 décembre 2013


 

[Née en 1947, Camille Paglia est une écrivaine américaine. Elle enseigne les sciences humaines à l’University of the arts de Philadelphie. Malheureusement, un seul de ses ouvrages est traduit en français : Vamps et Trans : une théorie païenne de la sexualité (Denoêl, 2009). Surtout, elle est une véritable féministe hoministe, dans la lignée de Doris Lessing et Elisabeth Badinter, comme le montre ci-après le compte rendu d’une de ses interventions.]

 

Camille Paglia : une féministe qui défend les hommes

 

La « guerre des sexes » fait toujours rage en Amérique du Nord, où le féminisme demeure l’un des piliers du progressisme. Pourtant, au sein même de ce mouvement, certaines commentatrices se font plus critiques, à l’instar de Camille Paglia*, une « féministe post-féministe ».

Titre original : « Camille Paglia Defends Men« . Traduit de l’Anglais par Le Bulletin d’Amériqu
e, 12 décembre 13

 

"Que cela soit entendu : les hommes sont périmés » : tel était le sujet d’un récent débat à Toronto. Maureen Dowd et Hanna Rosin défendaient ce dernier point de vue, tandis que Camille Paglia* et Caitlin Moran y étaient opposées. Très pince-sans-rire, Dowd fit par exemple remarquer que les hommes avaient joué de façon si téméraire avec le monde entier "qu’ils l’avaient presque cassé" . Nous allons dans une nouvelle direction, dit-elle alors, avant d’ajouter : « Zut, les hommes ne prennent même pas la peine de demander quelle direction prendre ! »

Mais ce sont les déclarations électrisantes de Camille Paglia qui attirèrent toute l’attention :

Si les hommes sont obsolètes, alors les femmes disparaîtront bientôt, à moins que nous nous précipitions sur le sinistre chemin du « meilleur des mondes », où les femmes se feront cloner par parthénogenèse, comme le font à merveille les dragons de Komodo, les requins marteaux et les vipères .

Une rancune mesquine et hargneuse contre les hommes a été l’une des caractéristiques les plus désagréables et injustes du féminisme de la deuxième et de la troisième vague. Les fautes, les défauts et les faiblesses des hommes ont été saisis et décuplés par d’affreux actes d’accusation. Des professeurs idéologues dans nos grandes universités endoctrinent des étudiants de premier cycle aisément impressionnables par des théories négligeant les faits, arguant que le genre était une fiction oppressive et arbitraire dénuée de fondement biologique.

Paglia n’a pas seulement défendu les hommes, elle a aussi livré une défense rare du libre marché et de ses avantages pour le beau sexe. Selon ses propres termes :

L’histoire doit être perçue clairement et équitablement : les traditions obstructives ne provenaient pas de la haine ou de l’asservissement des femmes par les hommes, mais de la division naturelle du travail qui s’est développée pendant des milliers d’années au cours de la période agraire. Celle-ci a immensément bénéficié et protégé les femmes, leur permettant de rester au foyer pour s’occuper des nourrissons et des enfants sans défense. Au cours du siècle dernier, les appareils susceptibles d’épargner du travail, inventés par les hommes et répartis par le capitalisme, ont libéré les femmes des corvées quotidiennes.

Les partisans de la théorie selon laquelle les «  mâles seraient sur le déclin » avancent que l’avenir appartiendrait aux femmes communicatives, de consensus, à l’intelligence émotive. Les hommes, avec leur force musculaire, leurs prises de risque et leur penchant pour le chaos ne seraient plus d’actualité. Dowd se demandait s’ils allaient finalement s’éteindre, en prenant «  les jeux vidéo, Game of Thrones en boucle et une pizza froide le matin avec eux. » Paglia rappela poliment mais fermement à ses contradicteurs que si les «  femelles alpha » pouvaient en effet aujourd’hui rejoindre les hommes dans la gestion du monde, elles n’étaient guère sur le point de les remplacer. Et leurs brillantes carrières sont rendues possibles par des légions d’hommes travailleurs, preneurs de risque et innovants. La citant de nouveau :

En effet, les hommes sont absolument indispensables en ce moment, bien que cela soit invisible pour la plupart des féministes — qui semblent aveugles à l’infrastructure qui rend leur propre travail possible. Ce sont majoritairement des hommes qui font le sale (et dangereux) boulot. Ils construisent les routes, coulent le béton, posent les briques, pendent les fils électriques, excavent le gaz naturel et les égouts, coupent les arbres, et aplanissent au bulldozer les paysage pour les projets immobiliers. Ce sont les hommes qui soudent les poutres d’acier géantes qui maintiennent nos immeubles de bureaux, et ce sont les hommes qui font le travail ébouriffant d’encartage et d’étanchéité des fenêtres, posant ces plaques de verre sur des gratte-ciel hauts de 50 étages. Chaque jour, le long de la rivière Delaware à Philadelphie, on peut regarder le passage de vastes pétroliers et imposants cargos en provenance du monde entier. Ces colosses majestueux sont chargés, dirigés, et déchargés par des hommes. L’économie moderne, avec son vaste réseau de production et de distribution, est une épopée masculine, où les femmes ont trouvé un rôle productif – mais les femmes n’en sont pas les auteurs. Certes, les femmes modernes sont assez fortes maintenant pour donner du crédit lorsque le crédit est dû !

Malgré plusieurs décennies de « girl power« , les femmes montrent peu ou pas l’envie de pénétrer de nombreux domaines traditionnellement masculins. Le Bureau of Labor Statistics rapporte que plus de 90 % des travailleurs dans le bâtiment, électriciens, mécaniciens de l’aviation, éboueurs, grutiers, pompiers, plombiers, tuyauteurs, réparateurs de lignes de télécommunication, et ingénieurs électriques sont des hommes. Ce sont encore des hommes qui déposent plus de 90 % des brevets.

Au début des années 1980, le dessinateur Nicole Hollander, créateur de Sylvia, publiait une caricature dans laquelle quelqu’un demande à Sylvia à quoi ressemblerait le monde sans hommes. Celle-ci lui répondit : « Il n’y aurait aucun crime et beaucoup de grosses femmes heureuses" . La prédiction de Paglia sur leur extinction est bien meilleure. Son intervention mérite d’être lue dans son intégralité.


Par Christina Hoff Sommers**


*Camille Paglia est une « féministe dissidente » et critique du post-structuralisme « français » (issu de Foucauld, Derrida, Lacan). Enseignante à l’University of the Arts de Philadelphie, elle est l’auteur de Sexual Personae : Art and Decadence from Nefertiti to Emily Dickinson (1990), de Sex, Art and American Culture : Essays (1992), et Vamps and Tramps (1994).

**Christina Hoff Sommers est Senior Fellow à l’American Enterprise Institute. Elle est notamment l’auteur de Who Stole Feminism ? How Women Have Betrayed Women (1995), The War Against Boys : How Misguided Feminism Is Harming Our Young Men (2000) et Freedom Feminism (2013).

http://lebulletindamerique.com/2013/12/12/camille-paglia-une-feministe-qui-defend-les-hommes/



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