ARCHIVE : Saisir le Défenseur des droits pour demander la désexuation du Ministère "des droits des femmes" (mai 2012)
A R C H I V E (mai 2012)
Le Ministère "des droits des femmes" est une discrimination explicite et directe
Le seul intitulé du Ministère, "des droits des femmes" suffit à caractériser la discrimination fondée sur le sexe : en République, il y a des droits des citoyens, et si l’on décompose, des droits des électeurs, des travailleurs, des contribuables, etc. Il y a même des droits des enfants, des mineurs. Mais il n’y a ni "droits des hommes" ni "droits des femmes".
On peut concevoir qu’un ministère soit consacré à des problèmes spécifiquement féminins, que les autres ministères, non-sexués, ne seraient pas aptes à prendre en compte. Mais rien de tel n’apparaît dans la liste de ses attributions.
Décret n° 2012-778 du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre des droits des femmes.
Article 1
Le ministre des droits des femmes prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement relative aux droits des femmes, à la parité et à l’égalité professionnelle.
Il est chargé de promouvoir les mesures destinées à faire respecter les droits des femmes dans la société, à faire disparaître toute discrimination à leur égard et à accroître les garanties d’égalité dans les domaines politique, économique, professionnel, éducatif, social, sanitaire et culturel. Dans ces domaines, il prépare, avec les autres ministres compétents, les mesures visant à assurer le respect des droits des femmes, la protection effective des femmes victimes de violence et la lutte contre le harcèlement.
En lien avec le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et le ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, il prépare les mesures relatives à l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations. Il veille à leur application.
Il est chargé, par délégation du Premier ministre, de coordonner la mise en œuvre, par l’ensemble des départements ministériels, de la politique en faveur de la parité et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il prépare et suit les travaux du comité interministériel chargé des droits de la femme institué par le décret du 2 mars 1982 susvisé.
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Si beaucoup de femmes (et non "les" femmes) sont concernées par ces domaines d’attribution ( "égalité professionnelle", "discrimination", "garanties d’égalité", "protection des victimes de violence", "lutte contre le harcèlement", "égalité des carrières professionnelles et des rémunérations", "égalité") beaucoup d’hommes le sont tout autant :
Des hommes tout comme des femmes sont en butte à la discrimination, à la violence, au harcèlement, et subissent des atteintes à l’égalité, dans les carrières professionnelles, les rémunérations, et ailleurs.
Même les lois visant à la "parité" (un mot aimable pour qualifier en fait des quotas), et même si nous sommes contre, ne sont pas des "droits des femmes", mais des droits du citoyen. Elles ont été votées par la représentation nationale. Elles ont des conséquences à la fois pour les femmes et pour les hommes. Il n’est pas possible de les envisager de manière distincte.
En l’occurence, la définition de la discrimination proposée par le Défenseur des droits lui-même s’applique parfaitement :
Qu’est-ce qu’une discrimination ?
Une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi, comme l’origine, le sexe, le handicap etc., dans un domaine visé par la loi, comme l’emploi, le logement, l’éducation, etc. Elle peut être directe, si l’inégalité se fonde sur un critère prohibé, ou indirecte, lorsqu’une règle, une pratique ou un critère apparemment neutre a un effet défavorable sur un groupe visé par un critère de discrimination. (...)
Il est légitime de saisir le Défenseur des droits
Le Défenseur est l’instance compétente, libre d’accès à tout citoyen, pour mettre en évidence une discrimination.
Le Défenseur distingue quatre cas justifiant une saisine. Les deux premiers correspondent parfaitement à la situation :
- dès que vous vous estimez lésé(e) par le fonctionnement d’une administration ou d’un service public ;
-dès que vous vous estimez victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international, que l’auteur présumé de cette discrimination soit une personne privée ou publique ;
Par définition, tous les hommes peuvent s’"estimer lésés" par le Ministère ("service public" ou "personne publique"), ou "victime d’une discrimination directe" puisque celui-ci offre des services du bénéfice duquel ils sont exclus.
Mais comme le Défenseur aime bien se défausser de ses responsabilités, il vous objectera peut-être que vous n’êtes pas personnellement victime. C’est pourquoi, si vous subissez personnellement une violence (violence conjugale, harcèlement, mariage forcé, privation des enfants, fausse accusation, etc.) ou une discrimination (professionnelle, retraite, etc.), il est bon de le préciser.
Ceci dit, si ce n’est pas le cas, il est aisé de vous référer à des domaines qui concernent tous les hommes, et où le Ministère n’agit qu’en faveur des femmes. Ainsi le Ministère chapeaute et finance une Commission sur l’image des femes dans les médias, qui publie un rapport annuel. C’est une démarche intéressante. Mais l’image désastreuse des hommes que colportent les même médias, est une violence contre tous les hommes de bonne volonté, et pourtant le Ministère n’a mis en place aucune commission pour l’analyser et la dénoncer.
...pour lui demander d’intervenir auprès du Premier ministre
Ceci dit, il est vrai que le ministère a des attributions intéressantes et utiles. Elles le seraient d’autant plus si elles étaient mises au service de toutes les personnes concernées, des deux sexes. Nous ne sommes donc pas pour sa suppression, mais pour sa désexuation.
Le Défenseur n’a évidemment pas de pouvoir de décision, mais il est fondé à intervenir auprès du gouvernement (en l’occurence le Premier ministre, qui définit sa composition). C’est ce qu’il faut lui demander de faire. Voici à titre d’exemple le courrier envoyé par le Groupe d’études sur les sexismes le 2 juin 2012 (il est souhaitable de personnaliser chaque saisine) :
Madame, Monsieur,
Notre association a pris connaissance de la création récente d’un Ministère des droits des femmes, et, par le décret n°2012-778 du 24 mai 2012, de ses attributions.
Nous ne pouvons que souscrire à la volonté du ministère de résoudre les problèmes posés. Cependant, nous ne pouvons nous empêcher de constater que ces problèmes concernent tout autant la condition masculine. Ainsi, beaucoup d’hommes attendent eux aussi de l’Etat de « faire disparaître toute discrimination à leur égard », d’« accroître les garanties d’égalité », la « protection effective » contre les violences, et « contre le harcèlement », « l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations », etc.
Il nous semble donc que ce ministère, aussi légitimes que soient ses préoccupations, met en œuvre une politique discriminatoire fondée sur le sexe. En effet, il traite inégalement hommes et femmes, puisqu’il exclut du bénéfice de ses services les personnes de sexe masculin.
En conséquence nous vous demandons d’intervenir auprès du Premier Ministre pour attirer son attention sur cet état de choses et l’inviter à redéfinir les attributions du ministère, de manière à ce que celui-ci devienne véritablement un Ministère des droits des personnes.
Tout à fait disponibles pour vous rencontrer si vous le souhaitez, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos meilleures salutations.
Toutes les modalités pratiques : defenseurdesdroits.fr/saisir-le-defenseur-des-droits/qui-peut-saisir-le-defenseur-et-pourquoi
Les réponses
Sachant que l’"indépendance" du Défenseur est toute relative, nous n’espérons pas de réponse positive aux saisines. Par contre, il peut être intéressant d’amener le Défenseur à reconnaître qu’elles sont nombreuses, et qu’il y a une véritable interrogation dans l’opinion.
* Réponse au GES du 19 juin 12 (signée Dominique Baudis) :
il n’entre pas dans mes attributions de fixer les compétences des membres du gouvernement.
...assortie d’une proposition de rencontre et signée de Dominique Baudis lui-même.
Cette rencontre a eu lieu le 18 juillet, entre deux représentants du Ges et Maryvonne Lyazid, adjointe au défenseur. Celle-ci a refusé toute discussion sur le Ministère, au titre qu’elle soutient absolument la position de son supérieur.
* Réponse à Henri L’Helgouach le 19 octobre 12 (signée Maryvonne Lyazid) :
Or la situation des femmes, dans l’Union européenne comme en France, fait l’objet de constats unanimes qui démontrent clairement que ces dernières sont traitées de manière moins favorable que les hommes, et ce, dans de nombreux domaines de la vie politique et sociale. (...)
Entreprendre des actions spécifiques en direction des femmes n’est donc pas une discrimination prohibée par la loi, mais relève de politiques visant à restaurer l’égalité en présence d’une situation objectivement défavorable aux femmes.
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