Les fils de mères célibataires ont moins de chances de faire des études supérieures. Le Monde, 2 février 2012


 

Les fils de mères célibataires ont moins de chances de faire des études supérieures

 
L’influence de la famille est illustrée par une étude américaine menée sur 20 000 enfants
 
 
Un garçon élevé par une mère seule a moins de chance d’aller à l’université et d’y réussir qu’une fille ou un garçon qui a grandi avec ses deux parents. On croyait que seul le milieu culturel avait un effet, mais voilà que l’influence de la composition de la famille devient un déterminant supplémentaire, selon une étude parue fin 2011.

A l’origine des travaux, il y a deux chercheuses, Marianne Bertrand, professeur d’économie à la Booth School of Business de l’Université de Chicago, et Jessica Pan, de la National University of Singapore. Toutes deux se sont intéressées au cas américain, qui n’est peut-être pas si loin du cas français puisque les jeunes hommes sont aussi peu représentés dans les amphis aux Etats-Unis qu’en France. Des deux côtés de l’Atlantique, la proportion est en effet de six étudiantes pour quatre étudiants. Et « les femmes sont, en proportion, plus nombreuses parmi les lauréats des diplômes de licence et master », constate le ministère français de l’éducation nationale. Marianne Bertrand met cependant en garde contre une application trop hâtive des résultats américains au cas français, compte tenu des différences existant entre les systèmes éducatifs notamment.

Pour mener leur étude, les chercheuses ont décortiqué les données du « Early Childhood Longitudinal Study : Kindergarten Cohort », le suivi d’un échantillon représentatif au niveau national de plus de 20 000 enfants américains entrés à l’école maternelle en 1998. Avec une question en tête : quelle est l’influence de la famille et de l’école sur le comportement des élèves ? L’environnement scolaire est en effet peu déterminant, estiment Mmes Bertrand et Pan. L’âge d’entrée en maternelle ou le sexe de l’enseignant n’influent pas sur la réussite masculine.

La famille, en revanche, joue un rôle certain. « Les garçons qui ne grandissent pas dans une famille traditionnelle (constituée des deux parents biologiques) réussissent moins bien ». En fait, ils se comportent plus mal . En 6e, l’inégalité entre les sexes sur ce point est presque deux fois plus grande pour les enfants élevés par une mère célibataire que pour ceux grandissant dans une famille traditionnelle. Si l’on considère les exclusions en classe de 3e, l’écart est de 25 % dans le cas des familles éclatées, contre 10 % dans les familles classiques.

Selon les chercheuses, une part de l’explication vient de ce que « les mères célibataires investissent moins dans leurs garçons et sont moins chaleureuses avec eux ». Ainsi, elles ont davantage tendance à leur donner la fessée qu’aux filles (+ 13 %).

Surtout, disent Mmes Bertrand et Pan, l’investissement éducatif est « plus faible et de moins bonne qualité » dans les familles éclatées que dans les autres. Or, le développement comportemental des garçons est « extrêmement sensible » à cet investissement. C’est beaucoup moins le cas des filles.

La littérature scientifique, expliquent les deux chercheuses, montre déjà qu’un comportement perturbateur ou des problèmes d’attention ont une influence décisive sur la réussite scolaire. Les exclusions, fortement liées au comportement, réduisent de 17 % la probabilité de terminer le lycée, de 16 % celle d’entrer à l’université et de 9 % celle d’y réussir.

On sait également que garçons et filles ne sont pas égaux du point de vue du comportement. Davantage que les filles, les garçons se mettent en colère, se disputent, se battent, agissent de façon impulsive ou perturbent la classe. Pourquoi, se sont donc demandé les chercheuses ? Et quel rôle joue(nt) la famille et/ou l’école sur ces inégalités de genre ? « Le cerveau des garçons se développe moins vite que celui des filles, note Mme Bertrand. Et des chercheurs estiment que cela a une influence sur leur comportement. Pourtant, nos travaux montrent que ce déficit comportemental n’est pas purement biologique mais lié à l’influence familiale.  »

B. F.

Le Monde, 2 février 2012, p. 13



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