Hominisme, féminisme, même combat. Patrick Guillot (2010 + màj)


 

 

Hominisme, féminisme, même combat
 
 
Féminisme et hominisme sont fondamentalement complémentaires
 
Les féministes, malgré les grandes divergences existant parfois entre leurs courants respectifs, définissent habituellement leur combat comme associant deux démarches en interaction. D’une part, une revendication d’égalité des droits entre les sexes, d’ordre social. D’autre part, une recherche identitaire, d’ordre plutôt intérieur, celle de leur identité féminine. Les hoministes masculins se retrouvent dans cette même définition appliquée à leur propre combat, à commencer par la revendication d’égalité des droits, à laquelle ils ajoutent la recherche de l’identité masculine.
 
Les deux mouvements ont donc une relation de complémentarité.
 

Leurs phases de développement diffèrent selon le contexte historique
 
Chaque époque, chaque société fait aux genres une situation plus ou moins satisfaisante. Le féminisme s’est développé et se développe encore dans des époques et des sociétés qui sont particulièrement insatisfaisantes du point de vue de la condition féminine. En Occident, et même si elle ne faisait pas non plus la part belle aux hommes, ce fut le cas de la société bourgeoise. Le féminisme a atteint son apogée au seuil de saturation de cette société, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, et plus précisément dans son troisième tiers. Cette période a connu un puissant processus d’égalisation des droits. Au point que les antisexistes des deux genres pouvaient espérer que soit atteint un point d’équilibre, et qu’il perdure. Cela n’a pas été le cas, pour deux raisons.
 
D’une part, parce qu’en certains domaines les féministes se sont arrêtées en chemin. Les premières, et c’est leur mérite, elles ont dévoilé des problèmes jusque là tabous, en particulier dans le domaine des violences : viol, violences conjugales, inceste, pédophilie, mariages forcés. Elles ont permis la mise en place de politiques d’information, de prévention, voire de nouvelles lois. Mais elles n’ont voulu prendre en compte que les victimes féminines : aujourd’hui encore, les victimes masculines de ces violences ne sont pas reconnues par la société, ni dans leur souffrance, ni même dans leur existence. C’est le rôle de l’hominisme de faire en sorte qu’elles soient prises en compte à leur tour, et que ces politiques leur bénéficient aussi. Dans ces domaines, l’hominisme entend achever certaines tâches que le féminisme a initiées, mais qu’il n’a pas menées à leur terme.
 
D’autre part, parce que vers la fin du siècle, le processus d’égalisation des droits a dépassé le point d’équilibre, et penché de l’autre côté, jusqu’à l’extrême. Les sociétés développées ont, implicitement ou explicitement, mis en place un nouveau système, social, juridique, idéologique, dans lequel, à nouveau, les droits d’un genre sont inférieurs à ceux de l’autre, en différents domaines. En ce début du vingt et unième, ce sont les hommes qui se trouvent diabolisés et discriminés. L’hominisme reprend le combat pour l’égalisation des droits, contre les nouvelles formes d’inégalité que subissent, cette fois, les hommes.
 
L’hominisme se développe aujourd’hui, et devrait se développer encore, parce que désormais c’est la condition masculine qui est devenue particulièrement insatisfaisante.
 
 
L’idéologie ennemie des hommes n’est pas le féminisme, c’est la misandrie
 
Certaines féministes autoproclamées, anciennes ou modernes, ont choisi de nier la réalité de cette évolution historique. Elles dénient la réalité de l’amélioration considérable des droits en matière de condition féminine, et à fortiori l’instauration de discriminations à l’encontre des hommes. Elles ne reconnaissent même pas le droit des hommes à analyser leur condition et à agir pour l’améliorer. Objectivement, elles font le contraire de ce que les féministes ont toujours prétendu faire : elles entérinent et confortent une situation d’inégalité des droits et de discrimination fondées sur le sexe. Elles ne peuvent donc plus être définies comme des féministes : elles sont des sexistes anti-hommes, des misandres.

Qualifier encore ces sexistes de « féministes », c’est faire non seulement une erreur d’analyse, mais encore une erreur tactique. En effet, quoiqu’un peu dévalué, le terme « féministe » désigne toujours ce pour quoi il a été créé, et a encore une connotation très positive. Se positionner contre des féministes, ou seulement contre les « dérives » du féminisme, c’est passer pour un adversaire de l’égalité des droits et un ennemi des femmes.
 
C’est aussi, à ces mêmes sexistes, faire un beau cadeau. Les misandres, comme ils ne peuvent se définir comme tels, se présentent toujours comme des féministes. Le féminisme est pour eux un paravent, un camouflage valorisant, qui rend leur positionnement acceptable, et leur permet de désigner ceux qui s’opposent légitimement à eux comme des « antiféministes », des misogynes. Les qualifier de féministes, c’est leur permettre d’utiliser encore ce camouflage.
 
Ceci est valable aussi pour les misandres de sexe masculin, qui sont nombreux, car la misandrie n’a pas de sexe, et qui se présentent abusivement comme des compagnons de route du féminisme : cette présentation est un camouflage, et il faut les désigner pour ce qu’ils sont, des misandres, et non pour ce qu’ils prétendent être.
 
 
Aujourd’hui, les féministes authentiques soutiennent la cause des hommes
 
Certaines féministes se sont émues de la nouvelle situation, qu’il s’agisse d’« historiques », comme Doris Lessing ou Elisabeth Badinter, ou d’anonymes. Prenant fait et cause pour les hommes discriminés, elles ont exprimé leur protestation, présentant celle-ci comme le prolongement logique de leurs combats antérieurs. Un positionnement bien formulé par Brigitte Lahaie se définissant comme "une féministe tout contre les hommes". Elles ont raison : être fidèle au féminisme aujourd’hui, c’est - entre autres - prendre fait et cause contre les injustices faites aux hommes. Le féminisme contemporain ne peut être que favorable à l’hominisme. Ces féministes-là sont des féministes authentiques, parce que leur souci d’égalité s’applique aux deux genres.
 
De même, être hoministe, c’est aussi prendre fait et cause contre les injustices faites aux femmes, même si elles sont moins nombreuses et moins prégnantes que dans la société antérieure. Du moins pour l’instant, car rien n’est jamais définitivement établi, et la montée en force de courants religieux archaïques n’exclut pas de désastreux retours en arrière.
 
 
...comme, à d’autres époques, des hommes ont soutenu les féministes
 
Contrairement à ce que soutient la conception misandre de l’histoire, l’égalisation des droits n’a jamais été obtenue par les seules femmes ou les seules féministes. Elle l’a toujours été par un front rassemblant des femmes et des hommes. Souvent même, ce sont des hommes qui étaient en première ligne. C’est pourquoi des expressions comme « le mouvement des femmes » ou « les conquêtes des femmes » doivent être employées avec prudence : elle ne rendent compte que partiellement de la réalité historique. En voici quelques illustrations :

- de 1860 à 1890, c’est un homme, un journaliste républicain, qui a été le pilier des principales initiatives féministes, comme l’évoque volontiers Simone de Beauvoir : "Ce fut Léon Richier qui fut le véritable fondateur du féminisme ; il créa en 1869 les "Droits de la femme" et organisa le Congrès international du Droit des femmes tenu en 1878." (Le deuxième sexe. Gallimard, éd. 1976, p. 165)

 - concernant l’accès des filles à l’éducation, comme l’explique Elisabeth Badinter « ce sont, là aussi, moins les revendications des femmes que l’action des laïcs républicains qui triomphent des vieux conservatismes. C’est parce que l’enseignement des filles était généralement abandonné aux religieuses que des hommes comme Victor Duruy, Camille Sée et Jules Ferry se sont battus pour les arracher à l’influence cléricale antirépublicaine. » (L’Un est l’Autre, Odile Jacob, p. 202).

- concernant les avancées en matière de maîtrise de la fécondation, les mérites sont très également partagés. Comme l’écrit encore Elisabeth Badinter, « L’obtention de ce droit fut le résultat d’une longue guerre livrée par des femmes associées à tous les hommes épris de liberté » (L’un est l’autre, p. 218). A certaines périodes (par exemple fin XIXe-début XXe), il n’y avait pratiquement que des hommes pour prôner le contrôle des naissances : militants néo-malthusiens, anarchistes, francs-maçons. Et à d’autres périodes (années 45 et suivantes) les féministes étaient contre, ralliées à l’idéologie nataliste et maternaliste : toujours plus d’enfants, et les mères au foyer.

L’action de certains hommes en faveur de la contraception a été déterminante. C’est un médecin, Etienne Beaulieu, qui a créé la pilule française, et un député, Lucien Neuwirth, qui par une loi de 1967 en a libéré l’usage. Une loi dont Simone Veil a reconnu qu’elle a été, par rapport à sa propre loi légalisant l’IVG, « beaucoup plus importante par sa portée historique et philosophique, même si on ne lui accorde pas le même poids symbolique » (Les hommes aussi s’en souviennent. Stock, 2004, p.82) 

Pour l’IVG aussi, les hommes ont été bien présents. En 1973, au Manifeste des 343 avortées a succédé le Manifeste des 331, signé par des médecins qui affirmaient avoir pratiqué l’avortement et demandaient leur inculpation. Et si Simone Weil a rencontré à l’Assemblée une opposition virulente, il ne faut pas oublier que son projet de loi était soutenu par un gouvernement à majorité masculine, dont elle était ministre, et a été voté par des parlementaires majoritairement masculins.
 
Enfin, il faut être conscient que beaucoup d’acquis sociaux présentés restrictivement comme des « droits des femmes » sont en fait des droits des personnes : ils ont à ce titre amélioré également les conditions des deux genres, ce qui explique que des personnes des deux genres ont combattu avec autant d’ardeur pour leur obtention. Le droit au divorce, déjà établi dans les sociétés antiques, supprimé à plusieurs reprises sous la pression de l’Eglise catholique, puis rétabli, en est l’exemple le plus parlant.

L’égalisation des droits n’a pas été obtenue par l’action d’un genre en son entier contre celle de l’autre genre en son entier, mais par celle des progressistes des deux genres contre celle des conservateurs des deux genres.

 

Les hoministes sont pour un front antisexiste

Les hoministes n’ont aucunement l’ambition de construire un syndicat des hommes, qui défendrait tous les hommes, ou des hommes exclusivement. Ils sont contre les communautarismes, y compris contre un éventuel communautarisme masculin. Certes, ils s’efforcent de développer au mieux le potentiel que leur offre leur identité masculine. Mais, ayant constaté à quelle régression a conduit l’idéalisation du genre féminin par les misandres, ils n’idéalisent pas leur propre genre. Ils savent que les qualités et les travers humains sont également répartis chez l’un et l’autre.

Ils défendent les hommes en butte à la diabolisation et à l’injustice, et les femmes en butte à la diabolisation et à l’injustice. Bien sûr, de par le contexte contemporain, ils sont plus attentifs et plus sensibles aux atteintes que subissent les hommes : c’est pourquoi ils ont besoin des féministes pour attirer leur attention et leur sensibilité sur les atteintes que subissent les femmes.

Leur ennemi est le sexisme. Et comme le sexisme est une hydre à deux têtes, ils sont plus précisément contre les deux sexismes : la misandrie et la misogynie.

Contrairement à l’idée couramment admise, ces deux sexismes ne sont d’ailleurs pas forcément antithétiques. Ainsi ils cohabitent très bien chez les misandres, lesquels sont également misogynes, à leur manière. les misandres, en effet, ne décrivent et ne conçoivent les femmes que comme des victimes. Des victimes des hommes, en tous temps et en tous lieux, c’est-à-dire non pas des victimes ponctuelles mais des victimes éternelles, par nature ou par destin ; ce qui est une conception très dévalorisante de la féminité. Ce sont des sexistes à part entière, doublement sexistes : c’est pourquoi, si l’on veut être précis, il est souhaitable de leur appliquer le concept de bisexisme, l’excellent néologisme créé, semble-t-il, par l’américain Warren Farrell..

Pour les hoministes, la ligne de fracture ne se situe évidemment ni entre hommes et femmes, ni entre hoministes et féministes, mais entre antisexistes (ou non-sexistes) des deux genres et sexistes (ou bisexistes) des deux genres. C’est pourquoi ils sont partisans de la réactualisation du front commun antisexiste qui s’est formé à plusieurs reprises dans l’histoire. Ce front a vocation à rassembler les hoministes, les féministes authentiques - et plus largement l’ensemble des hommes et des femmes qui ne veulent ni de la guerre des sexes, ni de la suprématie d’un sexe sur l’autre.

Patrick Guillot (avril 2010 - màj décembre 2012)



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