Philippe Brenot, l’accusateur public


 

Philippe Brenot (1948-)
psychiatre, thérapeute de couples (ce qui, au vu de ce qu’il écrit, laisse rêveur...)
directeur d’enseignement en sexologie à l’université Paris V
président de l’Observatoire international du couple (même remarque)
auteur d’une trentaine d’ouvrages, en particulier sur la sexualité, que nous n’avons pas lus.
 
Celui qui nous a interpellé et que nous analysons ici est
 
Les violences ordinaires des hommes envers les femmes. Odile Jacob, 2008
 
lequel semble faire une belle carrière. Ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il relaie de façon explicite l’idéologie dominante, d’où l’excellente promotion que lui offrent les médias.
 
Ce qu’il y a de remarquable, en effet, dans ce titre, c’est son simplisme hyper-réducteur (certes tout titre est réducteur par rapport au contenu, mais ici le contenu le nuance à peine) : les violences s’exercent exclusivement d’un sexe sur l’autre, des hommes en général sur les femmes en général – ces violences masculines sont « ordinaires », c’est-à-dire nombreuses, courantes, habituelles (voire naturelles ?). Cela a un nom : le sexisme.
 
Ce titre posé ouvre logiquement la porte au défilé de tous les poncifs misandres : la « domination masculine », l’« androcentrisme  », les prétendues discriminations et la nécessaire «  parité », la référence à l’Enveff, etc. Tout cela sur fond de déni des violences contre les hommes. 
 
Donc ça commence mal… et ça continue mal : en exergue une citation de Pierre Bourdieu extraite de La domination masculine. Les citations sont d’ailleurs très nombreuses et très longues, et pour la plupart d’auteurs misandres : Bourdieu encore, Daniel Welzer-Lang, Françoise Héritier. Même John Stuart Mill est mis à contribution, dont les (bonnes) analyses ne s’appliquent pourtant qu’à l’Angleterre du 19e siècle ! En quantité, cela représente un tiers de l’ouvrage.
 
Ce qui frappe, c’est qu’elles sont posées sans aucune distance, comme exprimant des vérités révélées, et jamais remises en question. En fait, Brenot n’est même pas un idéologue, c’est un sous-traitant d’idéologues : dans leur aveuglement, eux essaient au moins de créer l’illusion d’une analyse nouvelle ; lui se contente de les recycler, d’en remplir ses pages pour donner l’impression qu’il a quelque chose à dire, ce qui n’est évidemment pas le cas.
 
Ce qui frappe ensuite, c’est la confusion, et d’abord la confusion dans l’expression. Ainsi, une phrase telle que
 
(p. 62) La violence ordinaire est à sens unique, très majoritairement homme-femme.
 
contient une contradiction évidente : si c’est « très majoritairement », ce n’est pas « à sens unique », c’est dans les deux sens (à moins que son auteur ne soit pas vraiment convaincu de son propos ?).
 
Autre exemple : (p. 70) « la fréquence de la violence féminine à l’encontre de son compagnon est proportionnellement bien moindre que celle de la violence masculine (5 à 10% des violences conjugales sont le fait des femmes) » et (p. 116) « elle ne représente que 10 à 20% de l’ensemble des violences conjugales »
 
Les deux chiffres sont faux, puisque la réalité est autour de 50%. Mais surtout, passer de 5 à 20% en quelques pages, c’est vraiment se moquer du lecteur ! De toute façon, Brenot ne source jamais ses chiffres. Il a l’assurance de l’ignare qui croit proférer des évidences, et/ou celle du fat qui croit que personne ne le contredira jamais.
 
La confusion est aussi dans l’information :
 
(p. 106) « en ce qui concerne les résultats scolaires, dès que l’on aborde les études supérieures, les réussites masculines, ou la poursuite des études par les hommes, sont alors toujours supérieures. »
 
C’est très exactement le contraire de ce que nous explique l’OCDE depuis bientôt dix ans : les filles sont scolarisées plus longtemps et réussissent mieux que les garçons dans la plupart des disciplines et filières ! 
 
Ou encore :
 
(p.52) Le viol est quasi exclusivement le fait d’hommes sur des femmes et reste un acte profondément humain car inconnu dans la nature.
 
Le viol féminin sur des femmes, ou sur des enfants, voire sur des hommes, serait donc une hallucination des criminologues…
 
Et encore, sur le même sujet :
 
(p. 108) Un homme a-t-il un jour porté plainte pour viol ? (…) C’est ainsi qu’un homme ne peut être pris à son corps défendant par une femme, fondement même de l’inégalité des attitudes que nous dénonçons.
 
Curieuse conception du viol pour un sexologue ! D’une part il ne semble connaître que sa définition juridique ("pénétration"), qui est beaucoup trop restrictive par rapport à la diversité des atteintes sexuelles. D’autre part, il semble ignorer que rien n’empêche une femme de prendre un homme « à son corps défendant », manuellement ou avec un objet, ou de lui infliger un quelconque sévice, si celui-ci est en situation de sujétion par rapport à elle (le genre de sujétion que racontent les témoignages d’« hommes battus »). Que l’homme aille ou non porter plainte ensuite (et on imagine volontiers qu’il ait peur de l’incrédulité et du ridicule) n’y change rien. Or c’est justement ce genre d’affirmation qui crée l’incrédulité, et qui renforce l’incapacité des hommes victimes à porter plainte… D’un « spécialiste » on attendrait au contraire qu’il dévoile la réalité, et qu’il aide les victimes à se dévoiler : ici, on est à l’opposé… 
 
Mais Brenot ne cherche pas à se rendre utile, c’est son dernier souci. Son problème, c’est qu’il aurait bien voulu être Zola. Il joue donc à Zola en lançant à tout propos de grandes tirades commençant par « J’accuse ». Ainsi dans les premières lignes de son avant-propos :
 
(p. 11) J’accuse les hommes, mes frères, cette moitié d’humanité dont je fais partie, de violence ordinaire envers les femmes, leurs compagnes, épouses, concubines, parfois leurs sœurs, rarement leurs mères. Violence morale, physique et sexuelle, bien sûr. Mais je dénonce plus précisément la violence ordinaire, banale, quotidienne, la violence sourde et aveugle de l’existence féminine, triste héritière d’une domination masculine que beaucoup pensent disparue, mais qui reste le ferment de la mésentente conjugale. 
 
Il ne faut pas se tromper dur la dernière phrase. Il ne s’agit pas d’une mise en cause symétrique des deux sexes : la violence féminine, qu’il fait mine de stigmatiser, est en fait légitimée : elle est présentée comme l’ « héritière  » de la violence masculine. Les hommes sont méchants originellement, les femmes ne font que se défendre.
 
Dans les mésententes de couple, c’est pareil ; l’homme attaque, la femme se défend :
 
(p. 84) Cet exemple, cent fois répété, montre comment la frustration affective est un élément central quasi constant des mésententes conjugales, né de l’agressivité d’un homme sans regard sur lui-même et de l’attitude défensive, ou vengeresse, d’une femme profondément blessée qui ne peut, dans ces conditions, montrer le moindre signe de tendresse.
 
Le procédé accusatoire est récurrent. Le procureur Brenot accuse tout le monde. Ainsi le chapitre 3 intitulé « J’accuse la société » commence logiquement ainsi :
 
(p. 93) J’accuse notre société d’un déni complice favorisant le maintien de l’archaïque domination masculine. Je l’accuse de silence coupable, de résistance surannée, de collusion avec le masculin pervers, de frilosité tacite…
 
On retrouve encore ce problème de confusion dans l’expression : que signifient cette « collusion avec le masculin pervers » ou cette « frilosité tacite » ? Mystère…
 
Non, décidément, Brenot n’est pas Zola.
 
Comme la plupart des misandres, Brenot considère « les hommes » comme des malades, qui doivent se soigner. Et leur seuls thérapeutes possibles sont… « les femmes » :
 
(p. 14) C’est le propos que je veux tenir aux hommes qui perpétuent la violence ordinaire, sans en être toujours conscients : nous avons tout à apprendre des femmes, et de nous-mêmes, encore faut-il que nous acceptions qu’il y ait quelque chose à apprendre. Car on ne naît pas homme, on le devient. Quant au message que j’adresse aux femmes, c’est celui-ci : votre insatisfaction est légitime, mais acceptez d’aider vos compagnons à en prendre conscience. Nous somme en train d’inventer les nouvelles manières d’être ensemble.
 
En fait, comme tous les accusateurs obsessionnels, Brenot est surtout un grand coupable, comme il l’exprime sur la fin :
 
(p. 117) Et, comme un acte expiatoire des générations passées, j’accepte volontiers de reconnaître les violences par mainmise, contrainte ou omission, de mes pères, grands-pères et aïeuls depuis l’origine de la prise du pouvoir des mâles sur les femelles, à l’aube de notre humanité.
 
( « la prise du pouvoir des mâles sur les femelles, à l’aube de notre humanité » : ça, c’est du Françoise D’eaubonne pur jus…)
 
Quant à nous, nous ne plaiderons jamais coupable, ni pour nos ancêtres masculins qui n’étaient ni pires ni meilleurs que nos ancêtres féminines, ni pour nous-mêmes qui ne sommes ni pires ni meilleurs que nos contemporaines ou compagnes. Et quand Brenot parle de nous en disant « les hommes, mes frères », nous lui renvoyons bien volontiers sa pseudo-fraternité : qu’il se sente coupable, d’accord, mais sans nous !
 
Patrick Guillot (décembre 2008)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


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