L’arme du soupçon d’inceste. L’Express, 15 avril 1999


L’arme du soupçon d’inceste
 
Un inquiétant phénomène semble gagner les prétoires français : des centaines de pères se voient accuser, parfois à tort, du pire des crimes. Certains y perdent leur emploi, leur honneur et l’amour de leurs enfants. Histoires vécues.
 
Le tribunal correctionnel de Pontoise vient de prononcer un jugement plutôt inhabituel. Il a condamné une mère qui avait porté plainte contre son mari pour attouchements sexuels sur leur fille de 2 ans à... 5 000 francs d’amende et 1 franc symbolique. Motif : dénonciation calomnieuse. « Mme K., dont le seul but était de séparer définitivement son époux de ses enfants, avait connaissance de la fausseté de ces graves accusations », indique le verdict, dont elle a cependant fait appel. Le père, Philippe Marchal, un ingénieur de la région parisienne, est loin de pavoiser. « J’ai été sali, montré du doigt, privé de mes enfants pendant des mois, lâche-t-il amèrement. Rien ne peut vraiment réparer ça. »
 
L’affaire a commencé, voilà plus de quatre ans, par un divorce orageux demandé par le mari. Sa femme obtient la garde de leurs deux enfants, mais refuse de les lui laisser les jours prévus par son droit de visite. Il porte plainte contre elle pour « non-présentation ». Elle réplique par une autre plainte à la brigade des mineurs, où il se retrouve convoqué un beau matin et placé en garde à vue : sa fille prétend que papa lui « a mis le doigt dans le sexe ». Après interrogatoires et examen médical, les policiers concluent à l’absence de preuve et classent la plainte sans suite. Mme K. réitère pourtant l’accusation, en déposant une nouvelle plainte, cette fois auprès du procureur, avec constitution de partie civile. La machine judiciaire se met alors en branle : automatiquement mis en examen, le père voit son droit de visite suspendu. Il ne rencontre plus ses enfants qu’en présence d’un tiers, au centre de médiation familiale. Après un an d’instruction, il sera blanchi par un non-lieu. Sa femme fera immédiatement appel, avant que le jugement soit définitivement confirmé, en septembre 1996. Il lui faudra encore un an pour se décider à demander réparation de l’accusation mensongère... Bref, pendant quatre longues années, cet homme aura été traité comme un père en sursis, sous tutelle, disqualifié.
 
Cet hallucinant règlement de comptes judiciaire est loin d’être un cas isolé. Apparu aux Etats-Unis voilà quelques années, un étrange phénomène semble avoir gagné les tribunaux français : une sorte de folie procédurière qui conduit les couples en guerre pour la garde de leur progéniture à invoquer le pire des crimes, celui d’inceste. Des centaines de pères - beaucoup plus rarement des mères - se déclarent aujourd’hui injustement accusés d’abus sexuels par l’autre parent. « C’est l’arme ultime, la bombe atomique des divorces conflictuels, qui permet à coup sûr d’éloigner pour très longtemps l’ex-conjoint des enfants », explique Stéphane Ditchev, responsable du Mouvement pour la condition paternelle, l’une des nombreuses associations de pères qui se mobilisent sur le sujet. Au moment où des films, des livres, la publicité exaltent la nouvelle paternité, les pères exigent plus âprement, en cas de séparation, de maintenir le lien avec leurs enfants. Du coup, les procédures de divorce se font de plus en plus féroces - la moitié des requêtes, soit 60 000 par an, sont ainsi déposées « pour faute ». Alors que la loi du silence qui a longtemps recouvert les affaires de pédophilie et d’inceste commençait à se lever et que les langues se déliaient enfin, on découvre que des enfants, aujourd’hui, sont de nouveau pris en otages par ceux qui prétendent les protéger.
 
Qui croire ? Qui affabule ?
 
On constate depuis trois ou quatre ans une montée inquiétante de ces allégations, reposant souvent sur la seule parole de l’enfant ou de la mère, confirme Yvon Tallec, premier substitut au parquet de Paris. Quelle que soit leur issue, ces affaires provoquent des dégâts considérables et se révèlent extrêmement délicates à débrouiller. Plusieurs juges différents peuvent ainsi intervenir sur le même dossier : celui chargé de l’instruction pénale, celui des affaires familiales concerné par le divorce, et fréquemment un juge aux enfants, sans parler des experts et des avocats. » Il est évidemment impossible de chiffrer l’ampleur de l’épidémie : la chancellerie ne dispose d’aucune statistique sur les accusations jugées tendancieuses. On sait seulement que la moitié des quelque 4 000 agressions sexuelles sur mineurs révélées chaque année impliquent des parents, très souvent en instance de divorce. Selon la revue de médecine légale Forensic, près de 50% des dénonciations dans un contexte de conflit parental seraient imaginaires ou forgées de toutes pièces. La sociologue Evelyne Sullerot tout comme Sylvaine Courcelle, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, estiment quant à elles que 30% seulement des allégations sont justifiées.
 
Qui croire ? Qui affabule ? Comment le prouver ? Comment éviter des erreurs judiciaires sans prendre le risque de condamner des enfants au silence ? Les professionnels de la protection de l’enfance se retrouvent débordés par des dossiers de plus en plus complexes. « Il y a encore deux ans, ce genre d’affaires était rarissime, se souvient l’avocate Pascaline Saint-Arroman, qui assure les permanences juridiques de l’association SOS Papa : on n’en voyait guère passer plus d’une par mois. Aujourd’hui, on en compte en moyenne deux ou trois par semaine. » Les récits de certains pères piégés dans ces machinations frisent le surréalisme. Ainsi Bouchaïb Raye, un agent hospitalier dont la femme a enlevé leurs deux enfants avant de porter plainte contre lui pour attouchements sur sa fille de 4 ans : il s’est vu un an plus tard également reprocher - à tort, selon la justice - d’avoir abusé de la nouvelle compagne de la mère, devenue entre-temps homosexuelle. Ou Philippe Durand, chef d’entreprise parisien, dénoncé par son épouse pour le viol de son fils de 10 ans, alors que l’agression avait en fait été commise par le petit ami de celle-ci, un médecin déjà condamné pour pédophilie. Ou encore Jean-Gabriel Gobin, un instituteur relaxé le 18 décembre 1998 par le tribunal correctionnel de Créteil : la plainte de son ex pour attouchements sur leur fils de 4 ans lui a valu d’être suspendu par l’Education nationale - une mesure depuis peu systématique en cas de mise en examen dans ce genre d’affaires. Bien que reconnu innocent, il ne peut toujours pas récupérer son poste, car sa femme a fait appel : « La date du jugement définitif a été fixée au 6 décembre 1999. Vous croyez qu’un aussi long délai est supportable dans ma situation ? » Quant à Jean-Pierre Atlas, relaxé lui aussi, il essaie tant bien que mal de rétablir une relation normale avec son garçon de 8 ans, qui le traite de « salaud » chaque fois qu’il le rencontre : « J’ai entamé une thérapie avec lui chez un psychologue, mais deux heures par semaine, c’est loin d’être suffisant quand, le reste du temps, sa mère continue son lavage de cerveau... »
 
Le phénomène des « nouveaux pères »
 
Selon les spécialistes, les cas d’allégations mensongères présentent presque tous les mêmes caractéristiques : ils concernent des enfants très jeunes, généralement de 2 à 5 ans, sur lesquels on ne retrouve aucun signe physique d’agression, qui ont déjà fait l’objet de conflits violents sur le droit de visite dans lesquels les grands-parents prennent souvent une part active.
 
Comment en est-on arrivé là ? La multiplication des divorces conflictuels ou les campagnes de sensibilisation aux problèmes de pédophilie et d’inceste, qui rendent les accusations plus faciles, fournissent un début d’explication. Mais il faut aussi prendre en compte le phénomène des « nouveaux pères ». Quoi qu’on en dise, l’attitude des hommes envers leur progéniture a profondément changé ces dernières années : ils s’occupent davantage des petits, donnent les biberons, changent les couches et, surtout, câlinent beaucoup plus que par le passé. Un sondage Ifop publié par Elle nous apprend que les pères divorcés font passer la tendresse en deuxième position dans ce qui définit le mieux leur rôle parental, derrière la participation à l’éducation et aux loisirs, mais avant l’autorité et les besoins matériels. Cette intimité quotidienne des hommes avec leur progéniture favorise des gestes qui risquent d’être mal interprétés par la mère dans un contexte de séparation conflictuelle, voire de susciter sa jalousie. « Dès qu’un père commence à évoquer des signes avant-coureurs de la crise - refus du droit de visite, remarques suspicieuses de sa femme - je lui conseille immédiatement de ne plus toucher ses enfants, affirme l’avocat Antoine Leenhard, responsable du Mouvement pour la condition masculine : plus de bains, plus de soins intimes, plus de câlins le matin dans le lit, plus de caresses dans les cheveux. »
 
Si les cas d’allégations mensongères se multiplient un peu partout en France, ils semblent curieusement beaucoup plus nombreux dans la petite ville de Pontoise, en région parisienne, où le phénomène a pris l’allure d’une véritable épidémie. Une quinzaine de pères en instance de divorce et mis en cause dans des affaires similaires dans le même tribunal ont fini par se regrouper pour clamer leur innocence. Aucun n’a pour l’instant été condamné et neuf d’entre eux ont déjà obtenu une relaxe ou un non-lieu. Dans dix de ces dossiers, on retrouve la même avocate, qui défend les intérêts des mères accusatrices. Lesquelles ont, chaque fois, porté plainte avec constitution de partie civile, ce qui empêche le parquet de classer l’affaire et entraîne invariablement l’ouverture d’une instruction pénale. « Me M. est une militante féministe qui assure la permanence juridique de la Maison des femmes de Cergy, accuse Dominique Marion, l’un des pères incriminés. Elle s’est spécialisée dans ce type d’allégations, qu’elle utilise pour mettre les ex-maris hors jeu et les séparer des enfants.  » Le bâtonnier du barreau de Pontoise, Hélène Tortel, a été alertée. « Ces allégations sexuelles peuvent parfois être employées comme un moyen de défense, plaide-t-elle. C’est peut-être regrettable, mais l’ordre n’a pas à intervenir dans la manière dont les avocats traitent leurs dossiers. » Le rapport d’un expert psychologue nommé par le tribunal dans le cadre d’une des affaires d’inceste fait pourtant ouvertement état du « rôle néfaste » joué par l’avocate, qualifiée de « passionnée » et de « sectaire » : « Ses excès, son attitude mensongère, quelquefois diffamatoire, démontrent son incapacité à avoir une distance saine et objective dans cette affaire. »
 
Des certificats de complaisance
 
L’avocate visée, Me M., martèle sèchement : « Je suis fatiguée des attaques de ces associations de pères soi-disant victimes dont rien ne démontre qu’ils sont innocents. L’un d’eux appartient à la secte de Scientologie, un autre a été condamné pour violences envers sa femme. Il se peut qu’il y ait des erreurs de justice, mais elles sont rarissimes : on ne peut pas conditionner durablement un enfant pour qu’il accuse son père. Moi, je défends les victimes, et j’ajoute que je ne tire aucun bénéfice particulier de ces affaires dans lesquelles je plaide la plupart du temps dans le cadre de l’aide juridictionnelle. »
 
Le malaise est devenu si aigu que dix de ces pères ont obtenu d’être reçus en délégation par le procureur de la République de Pontoise, Xavier Salvat, le 21 avril prochain. Outre les excès de l’avocate, ils comptent évoquer les lenteurs de la justice ainsi que le rôle néfaste de certains « experts » qui délivrent aux mères des certificats de complaisance destinés à étayer leurs accusations. Une célèbre pédopsychiatre parisienne, le Dr B., dont le nom apparaît dans l’une des affaires de Pontoise s’est ainsi vu infliger, le 5 décembre 1998, une peine de trois ans d’interdiction d’exercer par le conseil régional de l’ordre des médecins d’Ile-de-France pour avoir dénoncé « à plusieurs reprises la responsabilité d’un père (...) dans des agressions sexuelles non prouvées » et effectué des signalements auprès du procureur contenant « des affirmations extrêmement graves (...) que l’absence totale de démonstration probante rend inadmissibles ». Secrétaire adjoint du conseil national de l’ordre des médecins, le Dr André Chassort explique : « Les praticiens sont assaillis de demandes d’attestations de parents en instance de divorce, mais le Code de déontologie leur interdit formellement de rédiger ce genre d’actes, surtout quand il est question d’abus sexuels. Dans le cas où l’agression paraît avérée, ils doivent la signaler à la justice, qui nommera un expert, mais surtout ne pas prendre parti. » Les certificats de complaisance constituent l’une des premières causes de passage devant la commission disciplinaire et une bonne centaine de condamnations ont déjà été prononcées dans toute la France. Le Dr B., quant à elle, a fait appel devant le conseil national de l’ordre, et continue d’exercer tranquillement.
 
« Certaines mères font le tour des médecins et des psychologues jusqu’à ce qu’elles trouvent celui qui confirmera par écrit ce qu’elles veulent, constate Nicole Tricart, chef de la brigade des mineurs de Paris. On voit ainsi passer dans nos enquêtes des rapports de "professionnels" qui laissent rêveur. » Comme ce psy qui décrit dans le détail l’examen grâce auquel il a pu conclure à la réalité du viol d’une petite fille de 5 ans. Le test consistait à lui tâter le poignet tout en lui chuchotant le mot « inceste » à l’oreille : constatant que le pouls de l’enfant s’accélérait subitement, il en a déduit un « traumatisme sexuel profond ». CQFD.
 
Les magistrats ont souvent tendance à « ouvrir le parapluie » dès qu’ils sont confrontés à ce genre d’affaires. « Entre deux maux il faut parfois choisir le moindre, explique Hélène Jourdier, présidente de la Chambre de la famille, à Pontoise. Même si l’on sait que cela peut pénaliser un père innocent, notre priorité, c’est de protéger l’enfant. » Très souvent, la première mesure prise par le magistrat consiste à suspendre le droit de visite du parent accusé. Ce qui, dans le cas d’une accusation mensongère, est précisément ce que cherche à obtenir le parent accusateur. Certains juges n’hésitent pourtant pas à prendre des risques pour limiter les dégâts. « J’essaie dans la mesure du possible de ne pas couper le lien entre l’accusé et ses enfants, explique Florence Vigier, juge aux affaires familiales à Paris. Il m’arrive ainsi de maintenir ou de rétablir un droit de visite alors que l’instruction sur l’abus sexuel n’est pas terminée, éventuellement dans un lieu neutre comme les points-rencontre. » Personne ne sort indemne de ces accusations, ni l’enfant, ni l’accusé, ni l’accusateur, estime Laurent Becuywe, juge d’instruction au tribunal de Pontoise. A partir du moment où elles ont été lancées, on entre dans le domaine de la déraison, de la haine pure ou de la perversion. Le problème du magistrat chargé de l’instruction pénale, c’est de réunir les preuves, à charge ou à décharge. Mais, lorsqu’il s’agit d’attouchements qui n’ont pas laissé de traces sur un enfant très jeune, la tâche devient impossible : c’est la parole d’un parent contre celle de l’autre.
 
« Les enquêtes sur les abus sexuels de mineurs en général sont déjà très difficiles, mais les fausses allégations nous compliquent encore plus la tâche, explique Nicole Tricart. On ne peut pas systématiquement écarter la réalité de l’agression, parce qu’on est en présence de parents déchirés par un divorce. » Les policiers vont donc, à chaque plainte, interroger les instituteurs de l’école fréquentée par l’enfant, les voisins, le médecin de famille, les grands-parents ou les employeurs des parents, ce qui, évidemment, déclenche des rumeurs et des suspicions qu’il sera très difficile d’effacer après coup.
 
Au cours de l’enquête préliminaire, on se contente le plus souvent d’un examen médical de l’enfant, qui n’est pratiquement jamais présenté à un psychiatre ou à un psychologue. C’est seulement dans le cas où l’affaire paraît suffisamment sérieuse pour être transmise au parquet qu’un examen de ce type pourra être entrepris par un expert désigné par le juge, parfois plusieurs mois après les faits. Entre-temps, l’enfant aura déjà répété des dizaines de fois la même histoire devant les parents, les policiers, l’assistante sociale, le médecin ou l’avocat et modifiera peu à peu le récit en fonction de ce qu’on essaie de lui faire dire. D’autant que les interrogatoires sont souvent contaminés par des questions suggestives des adultes : « Qu’est-ce qu’il t’a fait, ton papa ? » ; « Où est-ce qu’il t’a touché ? »
 
La loi de juin 1998, qui reconnaît le statut de mineur victime, permet désormais aux enquêteurs d’enregistrer en vidéo le témoignage de l’enfant, qui peut ainsi être utilisé par les juges et les experts, en évitant la multiplication des interrogatoires. Mais tous les tribunaux ne sont pas équipés. Et nombre d’enquêteurs et de magistrats tiennent à procéder eux-mêmes aux auditions.
 
« Il faut se méfier de la toute-puissance du discours de l’enfant, qui, contrairement à ce qu’on a coutume d’affirmer, ne dit pas forcément toujours la vérité », explique Christian Besnard, expert psychologue près la cour d’appel de Rennes, spécialisé dans les dossiers d’abus sexuels. Autant il est relativement facile de détecter les affabulations d’un adolescent, autant la tâche devient compliquée avec un petit de 4 ou 5 ans ; c’est seulement vers 8 ans qu’il devient possible de distinguer pleinement le vrai du faux. Certains gamins emploient des mots d’adultes dont ils ne connaissent manifestement pas le sens : « Papa m’a fait une fellation. » D’autres déballent avec assurance des histoires remplies de détails crédibles, mais qui se révèlent à l’examen inventées de toutes pièces. « Contrairement à une idée reçue, l’enfant victime de véritable abus n’en parle que très difficilement, poursuit Christian Besnard. Il ne sait pas exactement ce qui lui est arrivé et souffre de se le remémorer. L’imprécision du récit, le manque de détails peuvent paradoxalement indiquer l’authenticité des agressions. »
 
Après le silence, les dérives
 
Le psychologue canadien Hubert Van Gijseghem, spécialiste mondial de la question, affirme que les accusations mensongères ont des conséquences aussi graves pour l’enfant que les abus réels. Mais il souligne également que les allégations sont parfois induites de bonne foi par un parent inquiet, qui interprétera des changements du comportement de son rejeton liés au stress de la séparation comme un indice d’abus. Le père ou la mère se sentant coupable d’infliger à ses enfants la blessure du divorce aura ainsi tendance à penser que leur détresse est due à « autre chose ». Les psychiatres américains ont défini un « syndrome d’aliénation parentale » caractéristique de l’enfant du divorce, qui, traumatisé par la disparition du second parent, a peur de perdre le lien avec celui qui en a la garde et se range corps et âme de son côté, en dénigrant systématiquement l’autre conjoint.
 
Après la loi du silence qui régnait sur les questions d’inceste vient donc aujourd’hui l’heure des grands déballages, des procès tonitruants et des règlements de comptes. Comme si, en l’espace de quelques années, voire quelques mois, on était passé du déni à l’hystérie et aux dérives accusatrices. Les suspicions de pédophilie n’agitent pas seulement les couples divorcés, mais aussi l’école, par exemple, où une psychose se développe. Une cinquantaine de cas d’attouchements sont dénoncés chaque trimestre dans les établissements publics, où les instituteurs surveillent désormais chacun de leurs gestes. « Des signalements précipités ont conduit des accusés au suicide », protestent des enseignants incriminés qui clament leur innocence et se sont réunis en collectif (Jamac), à l’instar des « pères incestueux ».
 
La justice paraît très souvent dépassée par ces affaires d’allégations : les réactions des juges varient d’un tribunal, voire d’une chambre, à l’autre. A ces disparités de traitement s’ajoutent encore celles entre les femmes et les hommes. Si les pères se montrent plus proches de leurs enfants que par le passé, ils sont aussi moins enclins à renoncer à leurs droits, lesquels semblent encore limités au regard de la justice. Selon une récente enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined), 1,8 million d’enfants vivent avec un seul de leurs parents - la mère dans 85% des cas, pour 9% avec le père. « Parmi les enfants résidant avec leur mère et dont le père est vivant, 44% voient leur père au moins une fois tous les quinze jours et un sur quatre ne le voit jamais, affirme la démographe Catherine Villeneuve. En 1986, seulement 15% des enfants allaient chez leur père au moins une fois tous les quinze jours. La fréquence des visites chez le père des enfants tend donc à augmenter. »
 
Le non-paiement des pensions alimentaires, qui constitue le délit le plus fréquemment reproché aux ex-maris, est condamné dans 90% des cas, dont 24% à de la prison ferme. Mais 11% seulement des non-présentations d’enfants, infraction le plus souvent commise par les ex-épouses, se traduisent par des sanctions pénales, dont 0,47% d’incarcérations. Et huit plaintes sur dix sont classées sans suite. « Cela m’ennuie de le reconnaître, murmure la commissaire Nicole Tricart, mais la grande majorité des professionnels spécialisés dans les affaires de mineurs et de divorce - avocats, juges, experts, policiers - se trouvent être des femmes... »
 
Gilbert Charles
 
L’Express, 15/04/1999
 
Lien (avec d’autres articles sur le divorce) :

http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/divorce/dossier.asp?ida=418788



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