Mortalité conjugale : des chiffres insensés / extrait de "Les violences conjugales" de Maryse Jaspard (2005)


 

[Parole d’orfèvre : Maryse Jaspard, grande ordonnatrice de l’enquête-bidon ENVEFF (lire ici) explique elle-même comment les enquêtes misandres (sauf la sienne) sur la violence conjugale sont orientées, tronquées, et démontrent finalement n’importe quoi. Nous n’avons aucun mal à la croire…

De même, on admirera son extraordinaire culot lorsqu’elle écrit : "N’assiste-t-on pas à une escalade morbide dans la sensibilisation du grand public, liée à un système d’information qui se nourrit de la détresse et du malheur ?" Car elle est l’avant-garde de cette "escalade morbide" !]

 

Mortalité conjugale : des chiffres insensés

A l’automne 2004, une série d’articles de presse ont dénoncé le silence escamotant en France les meurtres de femmes et alimenté l’intérêt pour le chiffrage des crimes de sang. S’appuyant sur des sources incertaines, les politiques et les ONG ont diffusé des statistiques improbables ; en dépit des mises en garde des statisticiens de l’INSERM qui, codifiant les causes de mortalité, ont souligné les difficultés rencontrées pour établir ces statistiques. La seule source française vient du rapport Henrion qui reproduit un chiffre du ministère de l’Intérieur, selon lequel, tous les quinze jours, trois femmes mourraient des suites de violences conjugales, soit annuellement environ quatre-vingt cas. Les autres informations émanent du Conseil de l’Europe dans lequel se côtoient deux affirmations contradictoires : d’une part, qu’une femme meurt chaque semaine en Europe des suites de violences conjugales et, d’autre part, que les violences conjugales seraient la première cause de décès et d’invalidité en Europe pour les femmes de 16 à 44 ans, devançant les accidents de la circulation et les cancers. L’arithmétique suffit à démontrer l’inanité de ces allégations reprises sans discernement par nombre de personnes publiques. En France, en 1999, les statistiques de l’Inserm, dont les catégories découlent de la nomenclature européenne, dénombraient, parmi les femmes décédées entre 15 et 44 ans, 2750 malades du cancer, 850 accidentées de la route et 66 homicides. Si l’on ajoute homicides, suicides, " traumatismes, empoisonnements, indéterminés " et " chutes accidentelles ", on obtient 1200 décès. Additionner toutes ces causes de décès signifie qu’elles sont toutes la conséquence de violences conjugales. Ce qui est faux, même si effectivement une part des suicides, des chutes et des empoisonnements peut masquer des violences. Le chiffre du rapport Henrion, du même ordre de grandeur que celui des homicides, est nécessairement sous-évalué. De fait, le système actuel d’enregistrement rend impossible l’étude de cette forme de mortalité.

La complexité de la détermination des causes de décès est telle qu’il est peu probable que l’on dispose prochainement de données ad hoc pour cerner les morts consécutives à des violences conjugales. Il faut avant tout détecter les situations de violence pour détecter, parmi les " traumatismes, brûlures, empoisonnements ayant entraîné la mort ", les meurtres intentionnels. Si les enquêtes de police diligentées dans ces cas peuvent faire émerger les actes criminels, l’ensemble du système d’enregistrement et de traitement des statistiques de la criminalité (police et justice) doit être revu pour rendre compte de ce phénomène. Dans nombre de cas, notamment, notamment pour le suicide, la relation de cause à effet est difficile à établir. 

En l’absence d’estimation adéquate, prendre le nombre de décès de femmes consécutifs à des violences conjugales comme indicateur du niveau de violence est peu pertinent. N’assiste-t-on pas à une escalade morbide dans la sensibilisation du grand public, liée à un système d’information qui se nourrit de la détresse et du malheur ? Il est légitime de s’alarmer de la persistance de ces meurtres appelés, souvent impunément, " crimes passionnels " et répertoriés en " faits divers " [Houel et al., 2003]. Mais le risque est grand de masquer la violence au quotidien qui touche le plus grand nombre.

 

Maryse Jaspard. Extrait de Les violences contre les femmes. Coll repères, La Découverte, 2005, p.46



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